15 exploitations d’élevage bovins observées à la loupe

Le pâturage tournant dynamique a fait l’objet d’une étude en Nouvelle-Aquitaine. CP : DR.
En 2009, la Nouvelle-Aquitaine comptait 5 000 hectares de pâturage tournant dynamique. Innov-Eco2 et Bordeaux sciences agro ont enquêté sur quinze exploitations, dont quatre en système laitier, qui pratiquent cette méthode. Les résultats sont là, mais des sujets sont encore à approfondir pour s’adapter au changement climatique.
 
En Nouvelle-Aquitaine – comme partout ailleurs – le changement climatique impacte durablement les éleveurs. Il suffit de regarder les conclusions de l’Observatoire régional sur l'agriculture et le changement climatique en Centre-Val de Loire effectué en 2018. En effet, depuis 60 ans et par décennie, la date de reprise de végétation avance d’un jour, le nombre de jours de gel en mars-avril diminue fortement jusqu’à cinq jours, les maximales journalières supérieures à 25 °C augmentent de quatre à six jours et le déficit hydrique progresse de 6 millimètres. Résultat, le démarrage de la pousse au printemps est plus précoce. Elle augmente aussi sur la fin de l’automne et de l’hiver, mais les arrêts de pousse sont plus accentués en été et les redémarrages en automne plus tardifs après des étés secs. Avec 425 éleveurs, Innov-Eco2 échange depuis huit ans sur les connaissances théoriques et pratiques du pâturage tournant dynamique. En 2019, 5 000 ha étaient gérés avec cette technique en Nouvelle-Aquitaine. 

Le maïs ensilage a été arrêté

L’étude, réalisée en 2019 par Innov-Eco2 et Bordeaux sciences agro, a concerné onze éleveurs de vaches allaitantes et quatre éleveurs laitiers (25 à 49 vaches laitières) adeptes du pâturage tournant dynamique.  En moyenne, le rapport surface herbe/superficie affectée à l’élevage herbivore est supérieur à 70 % pour les quinze exploitations. Pour les plus herbagers qui ne sont pas forcément en zones favorables à la pousse, ce rapport avoisine les 90 %. Le maïs ensilage a été arrêté au profit des méteils (vesce/avoine ou pois/orge ou triticale/orge/vesce/pois/féverole). Les mélanges graminées/protéagineux sont récoltés soit en grain (4 à 6 T/ha), soit en fourrage au printemps (4 à 5 T de matière sèche pour 0,8 UF/90 PDI). Ils sont suivis généralement par des cultures d’été (maïs, moha ou sorgho/trèfles estivaux). L’achat de concentrés est uniquement effectué par les éleveurs allaitants, mais les quantités sont plus limitées suite au passage en pâturage tournant dynamique. Chez les laitiers, les éleveurs produisent leurs propres concentrés soit parce qu’ils sont en zone défavorable à la pousse d’herbe, soit pour des raisons économiques et socio-éthique. En dehors des périodes de forte sécheresse comme en 2018, peu d’entre eux achètent des fourrages. Ces éleveurs laitiers sont très économes du point de vue de l’alimentation et de la fertilisation. Le bilan Corpen (mesure entrée/sortie d’azote) est équilibré (20 N/ha de SAU). Les chargements moyens observés sont proches de ceux de la région. Il n’y a donc pas eu d’extensification des systèmes d’élevage suite au passage du pâturage tournant dynamique.

De 1,2 ha à 1,8 ha pour nourrir une vache

 Le rapport conclut : 

« Il est possible d’élever une vache en production et sa suite sur 1,8 ha dans les zones défavorables à la pousse de l’herbe en Nouvelle-Aquitaine (1,2 ha en zones favorables). »


En fonction de l’accessibilité des surfaces et des capacités d’abreuvement, le pâturable peut être maximisé entre 250 et 300 jours. Les niveaux de production des vaches laitières varient de 4 000 à 5 500 litres/vache/an. Le rapport indique également que la présence de légumineuses dans les prairies, ou les rotations et le recyclage des matières organiques au sol, suffisent à compenser les exportations de produits animaux. Outre les investissements en mécanisation de fauche et de stockage, le pâturage tournant dynamique demande la mise en place de clôtures, d’un système d’abreuvement et du cheminement à structurer. Selon l’étude, ces dépenses reviennent entre 70 et 140 euros/ha en système bovin. Avec l’allongement des périodes de pâturage, les coûts en fertilisants, la récolte et le stockage des fourrages diminuent.

Des systèmes économes en énergie

Les deux élevages laitiers enquêtés situés en zones plus défavorables à la pousse de l’herbe ont adopté la mono-traite et la saisonnalité des vêlages pour adapter le cycle de production au rythme climatique de la pousse et de la plus grande disponibilité de l’herbe. Certains éleveurs utilisent des races rustiques ou plus herbagères (normande, jersey, angus, hereford) pour profiter de l’effet hétérosis ou pour acquérir des caractères liés à la production de lait ou de valorisation de l’herbe. Très économes en énergie, les systèmes laitiers herbivores révèlent dans cette étude qu’ils sont potentiellement neutres énergétiquement. Les systèmes herbagers les plus autonomes compensent entre 50 et 90 % de leurs émissions de gaz à effet de serre, contre 25 à 35 % pour les systèmes allaitants.

Des fourragères en dérobée

L’étude donne également la possibilité de chiffrer quelques évidences. Ainsi, le pâturage permet une ingestion supérieure de 10 à 20 % à celle de fourrages récoltés qui sont eux, énergivores et onéreux (200 à 450 euros/ha). Les résultats rappellent qu’une ration journalière d’herbe est trente fois moins chère à produire que les rations de même équilibre issues de fourrages récoltés. À l’optimum, cette biomasse fourragère pâturée répond très bien aux besoins alimentaires, énergétiques et protéiques des herbivores, notamment durant les périodes propices à la pousse végétative de l’herbe et des couverts. Quand les déficits hydriques s’accumulent, le pâturage tournant dynamique peut être couplé avec la pratique de pâturage rationné de fourrage en vert ou de dérobées fourragères (semis direct après un mélange de céréales/légumineuses). L’éleveur choisit ainsi le maïs pour une production estivale ou des plantes fourragères pâturables à la sortie de l’hiver. Lorsque les conditions de pousses herbagères estivales sont encore plus limitantes, l’étude estime que des élevages ovins allaitants peuvent s’avérer plus adaptés à la valorisation des prairies. 

Des produits bruts corrects

Éleveurs et chercheurs ont déjà beaucoup progressé dans la connaissance du pâturage tournant dynamique. Cependant, il reste à approfondir certains thèmes : l’adaptation des prairies multi-espèces et des associations de couverts au changement climatique et au territoire de Nouvelle-Aquitaine ainsi que la gestion du sur-semis, de la fertilisation autonome, des méteils et de l’agroforesterie.  
En matière de résultats, en système allaitant, les valeurs de la viande vendue ramenées au vif varient de 3 à 5,5 euros/kg hors aide PAC et sans tenir compte du mode de commercialisation. Les produits bruts des élevages allaitants potentiellement autonomes varient de 1 000 à 2 000 euros/ha selon la zone favorable ou défavorable à la pousse de l’herbe et en considérant les dépenses liées aux cultures complémentaires, à l’entretien des paddocks, à la fauche et au semis de prairie.
En système laitier, le nombre d’enquêtés est trop faible pour en tirer des conclusions. Le seul éleveur qui livre le lait en vrac a estimé un produit brut lait de 1 200 à 1 400 euros/ha. Le revenu de ces éleveurs laitiers est complété par la vente de viande estimée entre 100 et 500 euros/ha.  

 

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