Accord UE-Océanie : quels risques pour les viandes européennes ?

Accord UE-Océanie : quels risques pour les viandes européennes ? ©nilsversemann/AdobeStock

L’ouverture des négociations en vue d’accords de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et l’Australie, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part, a été décidée fin 2015. Les négociations sont en cours depuis juillet 2018, avec une perspective de conclusion potentielle en 2021 pour la Nouvelle-Zélande, et ultérieure pour l'Australie. Le ministère de l’Agriculture et de l'Alimentation a commandé une étude au cabinet ABCIS afin d’identifier les risques et opportunités que ces accords de libre-échange feraient peser sur les filières animales françaises. 

Des risques supérieurs aux opportunités 

Les auteurs de l’étude considèrent qu’un éventuel accord de libre-échange entre l’UE d’un côté, la Nouvelle-Zélande et l’Australie de l’autre, présenterait des risques importants pour les filières de ruminants européennes, et ce pour plusieurs raisons. 

Tout d’abord, il faut avoir en tête que le disponible export concernant les productions océaniennes issues de ruminants devrait rester conséquent à l’avenir, notamment en Nouvelle-Zélande où la croissance démographique est faible. La production laitière de ce pays connaît une croissance très importante depuis les années 1990 (+ 132 % entre 1996 et 2016). Le bureau d’études estime que la production de lait du pays devrait continuer de croître.

D’importants exportateurs de viandes et de produits laitiers

La situation est un peu différente en Australie, avec un réel dynamisme démographique et une croissance de la production entravée par des sécheresses à répétition depuis 2000. Ces dernières ont entraîné des décapitalisations importantes et une diminution du cheptel reproducteur allaitant. À cela s’ajoutent, pour le secteur laitier, des difficultés liées à la dérégulation du secteur instaurée dans les années 2000, que la filière peine à surmonter. Dans ces conditions, les auteurs de l'étude estiment que le disponible export de ce pays, concernant les productions considérées ici, ne devrait pas s’accroître et pourrait même s’éroder. 

Dans tous les cas, les deux pays devraient rester d’importants exportateurs de viandes ovines et bovines ainsi que de produits laitiers dans les années à venir. 

Des risques pour les filières françaises

Les fortes disponibilités pour l’export et la grande compétitivité des filières océaniennes, ainsi que la valorisation supérieure des pièces les plus qualitatives sur le marché européen, impliquent des risques élevés en cas de libéralisation des échanges. 

En viande ovine, la Nouvelle-Zélande ne remplit plus intégralement son contingent à droit nul. Lui accorder un accès supplémentaire ne signifierait donc pas s’exposer à des volumes additionnels chaque année, mais augmenterait en revanche ses possibilités d’envois opportunistes pour écouler des surplus. Or, des arrivées massives de viande ovine lors du pic de production néo-zélandais au premier semestre pèseraient sur le prix et seraient particulièrement dommageables pour la filière française, dont le pic de production se situe autour de Pâques. 

En viande bovine, compte tenu du caractère aujourd’hui limitant des contingents tarifaires et de la faible part qu’ils représentent dans le disponible export océanien, tout volume supplémentaire accordé à droit inférieur à 20 % serait vraisemblablement rempli. Cela affecterait les prix européens des pièces les plus nobles. L’impact pourrait être renforcé si des ouvertures multiples de contingents (États-Unis, Mercosur, etc.) conduisaient à davantage de concurrence entre fournisseurs, d’autant plus que la demande européenne de viande rouge s’érode et se segmente. 

Quid des produits laitiers ? 

En ce qui concerne les produits laitiers, le risque est plus évident pour la Nouvelle- Zélande, qui bénéficie d’un disponible exportable bien plus important que l’Australie, en croissance et d’une compétitivité supérieure. Les deux pays sont aujourd’hui limités, dans leurs envois, par les barrières douanières européennes. Accorder des accès à droits nuls ou très réduits, pour les produits laitiers, signifierait faire entrer l’UE dans le portefeuille des clients facilement accessibles de la Nouvelle-Zélande. Il y aurait à la fois un risque d’envois réguliers et conséquents, pour certains ingrédients sur lesquels elle est très compétitive, et un risque d’envois opportunistes d’autres ingrédients laitiers, en cas de hausse des prix européens ou de saturation du marché mondial. Ceci conduirait à gommer les pics de prix européens et à accentuer la baisse des cours en période de crise laitière. 

Des opportunités limitées 

Les auteurs de l'étude considèrent que, compte tenu de la petite taille des marchés océaniens et de leur faible niveau actuel de protection, les opportunités pour les filières animales européennes et françaises en cas d’accords de libre-échange sont minimes. 

Concernant la Nouvelle-Zélande, le bureau d’études ABCIS estime que ce pays ne présente pas d’opportunités significatives pour les produits finis français, en raison de sa faible population, d’une démographie peu dynamique et d’une consommation orientée vers des produits standards, pour lesquels les productions françaises sont peu compétitives. 

Des perspectives avec le marché australien

De son côté, le marché australien offre des perspectives un peu plus intéressantes, en raison de sa démographie dynamique et d’une consommation par habitant qui progresse pour la viande bovine comme pour les produits laitiers. Quelques barrières tarifaires subsistent, qui limitent l’accès des produits européens à ce marché. C’est le cas des fromages, qui se voient appliquer un droit de douane de 1,22 AUD/kg soit 81,74 €/100 kg), alors même que les principaux concurrents de l’UE (États-Unis et Nouvelle-Zélande) bénéficient d’accès à droit nul.  

Alors que l’UE négocie actuellement des traités de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, la question se pose des conséquences de tels accords sur les filières françaises et européennes de ruminants. Ces deux pays figurent en effet parmi les principaux exportateurs mondiaux de produits laitiers et de viandes rouges, et disposent d’avantages compétitifs importants.

Retrouvez l'intégralité de l'étude ici 

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