Afrique : le pastoralisme face à l’insécurité

Le pastoralisme en Afrique de l'Ouest valorise différentes zones agroécologiques plus ou moins fertiles. Photo Antoine Hervé/Pixel image
Dodo Boureima, secrétaire permanent du Réseau d’éleveurs Billital Maroobé (RBM) et Jalloh Blamah, coordonnateur technique régional du RBM, évoquent la place et le rôle du pastoralisme dans un contexte d’insécurité et de conflits intracommunautaires en Afrique.
Dodo Boureima. Photo FARM


Qu'est ce que le Réseau Billital Maroobé (RBM) ?
C'est une alliance d’organisations pastorales du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Pour nos membres, la mobilité du troupeau familial est une nécessité absolue face à des ressources en pâturages dispersées, imprévisibles et déséquilibrées d’une saison ou d’une année sur l'autre.
En permettant aux animaux d’accéder à différents types de pâturages, herbacés et arborés, la mobilité contribue à augmenter la productivité du bétail, à maintenir le capital reproducteur et à renforcer sa résilience en situation de crises. Elle valorise différentes zones agroécologiques plus ou moins fertiles.
                                                                 
Quels liens existe-t-il entre les activités pastorales et l’insécurité qui s’est installée ces dernières années dans le Sahel ?
L’insécurité est devenue un problème récurrent en Afrique de l’Ouest et du Centre, et affecte la mobilité pastorale. Elle touche les éleveurs pasteurs et se traduit le plus souvent par des conflits entre usagers des ressources naturelles, entre éleveurs et agriculteurs notamment.

En Afrique de l’Ouest, la majorité des zones ne sont pas détenues par les agriculteurs. L’éleveur possède au même titre que l’agriculteur un droit d’usage implicite et traditionnel de la terre. Les éleveurs pour qui l’activité de pâturage reste une ressource précaire sont souvent perçus comme des populations sans terres, sans attaches et donc sans véritable droits. Les pâturages de saison sèche traditionnellement octroyés aux éleveurs sont parfois occupés par les agriculteurs. Les activités agricoles gênent et obstruent souvent le passage de l’élevage transhumant.

Une autre forme d’insécurité est l’inaccessibilité des zones pastorales qui sont par excellence des segments frontaliers très enclavés. Ces espaces frontaliers sont aujourd’hui partagés avec le grand banditisme et les mouvements radicaux, mettant en danger les populations transhumantes. Dans ces zones de tension, des armes provenant des pays voisins circulent, notamment en Libye.

Dans ce contexte d'affrontements intercommunautaires et de conflits, le pastoralisme constitue un enjeu social, politique et culturel. Il peut être une ligne de défense contre l’insécurité en zone pastorale. En effet, l’aménagement des parcours pastoraux (points d’eau, enrichissements fourragers, postes avancés de sécurité) peut avoir une incidence positive sur la sécurisation de ces espaces.
 
Certains prétendent que le pastoralisme n’est plus adapté à l’époque actuelle et qu’il ne représente plus d'avenir pour les jeunes. Qu’en pensez-vous ?
Au Burkina Faso, le coût de production d’un kilo de viande passerait de 720 francs CFA pour un animal élevé dans un système transhumant, à 2460 FCFA en système intensif. Face à l’ouverture du marché mondial de la viande et à la concurrence sur les marchés côtiers, il est essentiel de maintenir un prix concurrentiel auprès du consommateur urbain, afin de conserver ses parts de marchés.
En outre, grâce à la transhumance, les éleveurs ont accès à différents marchés où ils peuvent écouler leurs produits (animaux, excédents laitiers), notamment dans les pays côtiers où il y a peu d’élevage.
 
Le paradoxe est que la spécificité pastorale, malgré tous ses avantages économiques, environnementaux dans les zones arides et semi-arides, n’a pas été suffisamment pris en compte par l’Etat, pour qu’il mette en place des instruments de politiques publiques et développe des projets d’appui à l’élevage. Cependant, ces dernières années, la question pastorale est au cœur des agendas politiques. La problématique de l''insécurité grandissante au Sahel y est pour quelquechose.

Le RBM doit donc œuvrer pour que les éleveurs nomades et leurs organisations socioprofessionnelles accompagnent les efforts de paix et de prévention des conflits, et de lutte contre le banditisme, notamment en période d’affluence des transhumants dans les zones de parcours pastoraux qu’ils sont les seuls à pouvoir explorer de jour comme de nuit.

Entretien réalisé par notre partenaire :


Voir aussi :
Voyager pour approfondir ses compétences agricoles
Les pays émergents changent la demande mondiale
 

Vie Exploitation Agricole

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15