"Bien vivre entre associés, ça se cultive"

Trois éleveurs ont témoigné de leur expérience de l'agriculture sociétaire, et échangé avec la sociologue Alice Barthez. Photo: Nathalie Tiers
L'amphithéâtre du Campus de Pouillé était plein comme un oeuf le 26 novembre, à l'occasion de la journée organisée par la chambre d'agriculture de Maine-et-Loire sur le thème "S'associer: je m'épanouis, on réussit".

Selon Alice Barthez, sociologue qui a consacré une grande partie de ses recherches à l'Inra sur les relations humaines en société agricole, les difficultés constatées dans de nombreuses sociétés agricoles viennent souvent d'un malentendu dès la création de la société :

Pourquoi créer une société entre agriculteurs ? En raison de la nécessité économique de rassembler des moyens de production ? Ou parce que des personnes ont envie de travailler ensemble ? La mise en commun de capitaux et de moyens de production ne suffit pas, et peut conduire à une dangereuse impasse. Des sociétés qui fonctionnent bien économiquement doivent parfois rompre. Il faut avoir envie de travailler ensemble.

Pour créer une société, il faut aussi, selon la sociologue, prendre en considération les attentes des différents individus candidats à cette société. Le milieu agricole est fortement basé à l'origine sur une organisation familiale. Désormais, l'unité à considérer n'est plus la famille mais l'individu.

Pour constituer un groupe, il faut un objectif commun bien sûr! Mais ceci est tellement évident que ce n'est pas par cette question qu'il faut commencer. La vraie question pour chaque individu est: qu'est ce que je veux, et quel intérêt ai-je à entrer dans ce groupe?

"Toujours revenir à l'essentiel"

Plusieurs éleveurs installés en société, avec des niveaux de satisfaction élevés, ont illustré cette journée de leurs témoignages.

Pierre-André Cherbonnier (à droite sur la photo), Gaec 4 associés (1 couple + 2 tiers), 250 ha dont 190 ha d'herbe, 700 000 litres de lait, 100 vaches allaitantes.

J'étais en Gaec avec mes parents. En 2004, un tiers nous a rejoint, un jeune voisin dont l'installation sur la ferme familiale n'était pas rentable. En 2008, à la retraite de mes parents, nous avons repris une exploitation sans successeur et recherché un associé supplémentaire. Son installation s'est faite en deux mois mais au bout d'un an, nous avons dû nous séparer.  Au moment de trouver un associé pour le remplacer, nous avons demandé un accompagnement de la chambre d'agriculture. Aujourd'hui, nous travaillons avec sérénité et sécurité, nous sommes dans nos objectifs, mais nous ne parlons pas suffisamment. Il serait temps de renouveller cet accompagnement.

Aurélien Colas (au centre sur la photo), Gaec 2 associés (2 tiers non issus du milieu agricole), 145 ha en bio, viande bovine et vente directe.

Nous n'habitons pas sur le site, alors nous avons créé un lieu convivial sur l'exploitation, donc en terrain neutre, pour manger ensemble à midi. C'est à la fois un moment d'échange amical, et de planification du travail. Après quatre ans d'activité, nous avons confiance car l'exploitation fonctionne, nous travaillons en sérénité, et nous nous éclatons! Le dialogue et la communication ont été déterminants.

Pierre-Marie Heulin (à gauche sur la photo), Gaec 4 associés (2 frères, 1 cousin, 1 tiers), 130 vaches laitières en système herbager (75% de la surface), volailles label.

Je me suis installé en 1984 et je n'imaginais pas que ça puisse être en individuel. Je suis comme Obélix, je suis tombé dedans quand j'étais petit puisque mon père a créé le Gaec avec son frère en 1972. En 2005, nous étions six dont trois qui allaient partir en retraite. Nous avons fait un accompagnement avec la chambre d'agriculture: ça permet de donner du sens à ce qu'on fait. Cela a abouti au départ d'un des jeunes associés qui ne s'est pas retrouvé dans le cadre, à l'arrivée d'un nouvel associé qui a été intégré dans la réflexion, et à l'échange de missions entre deux personnes afin de les satisfaire davantage. En 2007, nous étions trois, nous sommes allés chercher un voisin installé depuis 13 ans en individuel, sur un système herbager comme le nôtre, et qui manquait de temps libre. Avoir du temps libre pour s'ouvrir sur d'autres choses, gagner en assurance: voilà ce que permet une société. Etre contredit, parfois, ça fait du bien quand c'est constructif. Il faut se dire les choses, tout est dans la façon de les dire. Quand des détails nous chiffonnent, il faut les résoudre, mais ça reste des détails. Il faut toujours revenir à l'essentiel, et écouter les idées de tous.

Pour aller plus loin:
Un acte de liberté de pensée en agriculture: la création du Gaec, par Alice Barthez
Cinq prestations de la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire autour du fonctionnement en société

 

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