Ce qui va changer pour le médicament vétérinaire

Les représentants des industriels du médicament vétérinaire réfutent le fait que le praticien n'est pas indépendant dans sa prescription. Jenoche - Fotolia.com
 
Alors que la promulgation de la loi d'avenir pour l'agriculture approche, les industriels du médicament vétérinaire représentés par le SIMV, cherchent à évaluer les conséquences concrètes de cette loi sur le marché du médicament, et donc sur le quotidien du praticien. La conférence-débat annuelle du syndicat le 1er juillet portait sur cette thématique.
 
Avec cette loi, la France entend notamment prendre le problème de l'antibiorésistance à bras-le-corps. La prise de conscience sur cette problématique est européenne, à défaut d'être internationale. En effet, les antibiotiques sont toujours utilisés comme facteurs de croissance aux États-Unis et dans de nombreux pays tiers. Jean-Louis Angot, le directeur général adjoint de l’alimentation, et chef des services vétérinaires rappelle :

On peut les trouver sur les marchés. Les antibiotiques ne sont pas nos ennemis ! Mais, leur utilisation doit être réduite au strict nécessaire.

Depuis 2011, la Commission européenne préconise une coordination de tous les pays membres sur ce sujet, et une harmonisation des règles. La France défend également la notion de réciprocité : les règles qui s'appliquent aux pays de l'Union, devraient également s'appliquer aux importations. Car, les experts sont unanimes :

Un seul pays, ou une seule région du monde, ne peut pas vaincre le problème de l'antibiorésistance.

Le célèbre article 20

Fin juin, les ministres européens de la Santé et de l'Agriculture étaient réunis à La Haye, sous l'égide de l'OIE (Organisation mondiale de la santé animale), de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) et de la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture), afin d'évaluer les dangers liés à l'antibiorésistance. Lors de cette rencontre, il a été réaffirmé qu'une action commune entre les professionnels de santé humaine et de l'agriculture est nécessaire pour protéger ce « bien public » que sont les antibiotiques. Bernard Vallat, directeur général de l'OIE, a ajouté :

Les vétérinaires ne sont pas le problème, mais ils font partie de la solution.

La loi d'avenir pour l'agriculture s'inscrit donc dans ce contexte international: son objectif est de garantir la durabilité et la qualité de notre alimentation selon Patrick Dehaumont, le directeur général de l’alimentation. Il s'agit d'aboutir à une rupture avec les modèles agricoles connus jusqu'à présent via l'agroécologie.

L'article qui intéresse les vétérinaires est le désormais célèbre article 20, qui prévoit notamment :
  • d'encadrer les pratiques commerciales, avec les « 3R » : remises, rabais, ristournes, interdits dans les contrats de vente d'antibiotiques entre les industriels et les vétérinaires;
  • de suivre la consommation d'antibiotiques, avec un objectif chiffré de -25% de consommation sur les céphalosporines de 3e génération et les fluoroquinolones;
  • d'établir la liste des antibiotiques critiques;
  • de favoriser le développement des alternatives à l'antibiothérapie, comme la vaccination en élevage.
 

Héritage de la santé humaine

Les deux dispositions phares de la loi sont directement transposées de la loi de santé humaine :
  • la loi « anti-cadeaux » apparaît en 1993 en médecine humaine. Elle a été renforcée depuis par de nombreux textes. Selon les responsables des entreprises du médicament, son application est laborieuse.
  • la transparence des liens entre praticiens et industriels est plus récente (2011), mais sa mise en place s'est révélée tout aussi chaotique pour les entreprises du médicament.
Les industriels du médicament humain préviennent leur homologues vétérinaires : l'application de la loi est très coûteuse en temps et en ressources humaines pour les industriels!
 

Procès d'intention

Si les représentants des industriels déclarent « partager les enjeux de la loi », leur bilan du texte est mitigé. Ils réfutent notamment le fait que le praticien n'est pas indépendant dans sa prescription. Selon Jacques Bonin, vice-président du SIMV et directeur de Merial France :

Le lien présupposé entre les vétérinaires et les industriels est préjudiciable.

De même, ils regrettent que « l'épée de Damoclès du découplage » pèse encore sur les vétérinaires. En effet, comme l'a indiqué Jean-Louis Angot :

Il faudra que l'on puisse prouver dans quelques années que l'on obtiendra des résultats avec le maintien du dispositif actuel de prescription/délivrance.

Quant au représentant des praticiens, Michel Baussier, le président du Conseil supérieur de l’Ordre national des vétérinaires, il regrette le procès d'intention que fait la société française (médias et politiques) aux vétérinaires, et soutient que le problème principal en élevage reste celui de l'automédication, toujours source de surmédicalisation selon lui. Michel Baussier souhaite que cette loi soit génératrice de progrès scientifiques et techniques pour les vétérinaires :

Il y a plus d'opportunités que de contraintes, et il s'agit de maintenir le médicament à sa juste valeur.

Quoi qu'il en soit, le monde du médicament vétérinaire est à un tournant de son histoire, et la prise de conscience reste anxiogène pour beaucoup.

Par Laure Bonati, vétérinaire

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