Comment le Covid-19 a-t-il chamboulé le marché de la viande en Europe ?

Comment le Covid-19 a-t-il chamboulé le marché de la viande en Europe ? CP : Noel/ Adobe Stock

Lors de ses webinaires sur les marchés mondiaux, l’Institut de l’élevage a livré son analyse sur le marché de la viande bovine et des bovins vifs en Europe. Quels sont les impacts du Covid-19 ? Quelles sont les perspectives de reprise ? Les économistes transmettent leurs analyses. 

En Europe : la production de viande bovine est d’une grande diversité. Dans les îles Britanniques, les génisses et les bœufs sont très nombreux. Aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, en France et en Italie, le veau de boucherie est l’une des productions phares, alors que l’Espagne, quant à elle, produit beaucoup de bovins jeunes (de 8 à 12 mois). De son côté, l’Italie est une grande productrice de taurillons et, de plus en plus, de génisses, élevées et engraissées « à l’italienne », comme des taurillons. 

40 % des volumes abattus échangés entre les États membres

Les échanges de viande entre les États membres de l’Union européenne sont dix fois plus importants que ceux avec les pays tiers. Presque 40 % des volumes abattus dans l’Union européenne sont échangés entre États membres, une part qui a augmenté de 5 % en dix ans. 

« En 2019, les échanges ont baissé de 0,7 % alors que la production européenne avait baissé de 1 %, précise Caroline Monniot, économiste à l’Institut de l’élevage. Ces chiffres montrent que la part d’échanges entre États membres continue sa croissance. »

Néanmoins, plusieurs événements sont venus perturber ces résultats en 2019. Tout d’abord, des scandales sanitaires en Pologne ont freiné les flux vers certains États membres, puis, le Brexit a modifié quelques échanges. Le Royaume-Uni représente 12 % des volumes abattus dans l’UE, 12 % des flux intra-UE et 13 % des flux importés de pays tiers. L’exportation représente 5 % des flux intra-UE et 8 % des exports vers les pays tiers. 

Réorientation des flux

Cette année, le fait le plus marquant sera sans doute la crise liée au coronavirus. La mise en place, dans la plupart des pays membres, des mesures de confinement ont engendré la fermeture de la restauration hors domicile – RHD. La consommation hors domicile est variable selon les États membres – Espagne 50 %, Royaume-Uni 45 %, et France 28 % – mais reste relativement importante pour les pays qui comptent pour les débouchées de viande française. 

Changement des habitudes de consommation

Cette fermeture de la RHD a eu un impact sur la perte de valeur des pièces d’aloyau.

« Dans plusieurs pays, il y a bien eu un report de consommation qui s’est davantage fait vers la viande hachée, explique Caroline Monniot. En France, par exemple, durant la période de confinement, les ventes ont augmenté de 30 % sur le haché frais et de 51 % sur le haché congelé. Des évolutions similaires au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ainsi qu’en Italie ont été constatées. » 

Dans d’autres États membres, le report de consommation s’est fait sur des pièces du globe, mais celles d’aloyau souffrent. En effet, l’entrecôte, le filet et le faux-filet se consomment davantage en restauration hors domicile. 

Des prix en baisse

« Nous nous retrouvons face à une perte de valeur, puisque dans certains pays comme ceux de l’Est, il n’y a pas de tradition de consommation du bœuf, raconte l’économiste. Là-bas, il se consomme essentiellement soit dans les fast-foods, soit dans les steak-house. En Pologne, par exemple, les habitants n’ont pas pensé à en manger chez eux malgré des campagnes lancées par le Gouvernement. »

 
Une consommation en baisse donc, et qui se répercute sur les tarifs... D’après les prix du marché de Rungis, en avril 2020, le filet est en baisse de 39 % par rapport à l’année précédente. L’entrecôte enregistre une baisse de 25 %, le faux-filet de 12 %, et la bavette d’aloyau de 13 %. 

Moins d'échanges entre les pays

Autre impact lié au coronavirus, la renationalisation des marchés. 

« Les échanges entre États membres concernent presque 40 % de la viande abattue en UE . Mais cette dernière ne se consomme presque uniquement qu'en restauration, détaille Caroline Monniot. Par conséquent, avec le report sur l’achat des ménages, nous assistons à une renationalisation des marchés. Cette nouvelle façon de consommer pose problème aux États membres qui exportent beaucoup comme l’Irlande ou la Pologne. Dans ce pays, le prix du JB O s’est effondré et se place 11 % sous 2019. »

-7 % de bovins abattus en France

Le coronavirus a également eu des effets sur les abattages. En Irlande, l'un des plus gros pays exportateurs de l’Union européenne, sur les semaines 13 à 20, une baisse de 16 % de l’activité a été observée. L’Allemagne, qui est également un gros exportateur, enregistre une baisse de 17 %. La France, quant à elle, résiste (recul plus faible, de 7 %). Cette différence s’explique par le fait qu’en France, la viande bovine est consommée naturellement dans les ménages.  

« Ces chiffres sont à relativiser, puisque dans de nombreux États membres, nous nous attendions à une baisse de production cette année. La France, l’Allemagne et l’Irlande avaient annoncé -2 % », explique Caroline Monniot. 

De plus, des experts s’étaient réunis à Bruxelles début mars et prévoyaient, sans tenir compte de l’impact Covid-19, une baisse de production pour l’UE de 1% en 2020. 

Mise en place du stockage privé

Pour faire face à la crise, l’Union européenne a mis en place, depuis le 7 mai dernier, le stockage privé.

« Au début, c’est surtout la Pologne et les Pays-Bas qui ont mis le plus de quantités en stockage, reconnaît Benjamin Van Doorslaer, expert viande bovine à l’unité des marchés de la direction de l’Agriculture et du Développement rural à la Commission européenne. La France a commencé à mettre du bœuf en stockage privé plus récemment. Pour chaque période, un seuil maximum de 1249 tonnes est fixé. Jusqu’à maintenant, nous ne l'avons jamais atteint. Certes, il y a des quantités présentes, mais elles ne sont pas énormes. » 

-7,5 % pour le PNB de la zone euro en 2020

Sur le point économique, la Commission européenne a relevé l’impact de cette crise sanitaire. En mars, le produit national brut de la zone euro a perdu 1,5 %,. En avril, il a baissé davantage, pour atteindre 5%. Pour 2020, la Commission prévoit une baisse de 7,5 % du produit national brut de la zone euro. 

« Dans le passé, nous avons déjà dû faire face à une crise financière économique entre 2008 et 2009, et nous étions arrivés à une baisse de 4,5 %, se souvient Benjamin Van Doorslaer. D’après les prévisions, cela sera pire en 2020, mais quand on regarde le prix moyen annuel du bœuf pendant la crise économique de 2008-2009, on remarque qu’il reste relativement stable. Pour le secteur bovin, il n’y a pas seulement la crise économique qui joue. D’autres facteurs peuvent faire en sorte que la baisse des prix soit relativement limitée. »  


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