Des systèmes agricoles autonomes et rentables

Les 40 vaches du système herbager passent en moyenne 246 jours/an au pâturage. Elles produisent 5 100 kg de lait/an avec zéro concentrés. Photo : H.Grare/PixeI Image.
Jusqu'en 2004, l'exploitation agricole de l'Inra Aster-Mirecourt fonctionnait selon un système de polyculture élevage laitier classique. L'exploitation comprenait 160 ha de prairies permanentes, 15 ha de maïs ensilage, 30 ha de blé, 15 ha d'orge d'hiver et 7 à 8 ha de jachères avec un troupeau de 110 vaches laitières et une référence laitière de 586 000 litres.

En 2004, l’unité a changé radicalement de système. Le domaine du Joly a été converti à l’agriculture bio et, dans un objectif d’économie et d’autonomie, il s’interdit tout achat (animaux, paille, foin, concentrés).  

Deux systèmes laitiers complémentaires ont été mis en place :
  • Le système herbe (SH) de taille plus réduite, utilise exclusivement 78 ha de prairies permanentes destinés à 40VL, des prim'holstein et des montbéliardes, et au renouvellement des femelles. L’économie est réalisée en maximisant le pâturage, avec des vêlages groupés sur 3mois, de janvier à avril. Le pâturage synonyme d’économie en machines et temps de travail est associé à un logement hivernal sur logettes, très économe en paille.
  • Le système polyculture élevage (SPCE) compte 55 ha de prairies permanentes et 105 ha de terres labourables. 60VL, holstein et montbéliardes, et le renouvellement femelle y sont conduits en complémentarité des cultures fourragères et céréalières. La paille sert aux stabulations libres paillées (vaches du SPCE et génisses SH et SPCE) ; ces mêmes animaux reçoivent comme concentrés les grains issus des céréales fourragères. Les vêlages sont groupés sur trois mois, d'août à novembre.

La diversité des potentialités du milieu a conduit à définir l'occupation des sols. L'usage des terres est désormais dédié à l'alimentation du troupeau, seul le blé meunier est vendu à Probiolor



5 000 kg/VL sans concentrés

Les deux systèmes atteignent des niveaux d'autonomie très élevés. Très peu d'intrants sont achetés : la consommation de fioul a diminué de 27% par rapport à 2004, les achats de produits vétérinaires ont été réduits de 29%  et les achats d'aliments ont diminué de 88% par rapport à 2002.

Malgré tout, le niveau de production reste élevé. Les vaches du SH produisent en moyenne 5 103 kg de lait/an, avec zéro concentré. Celles du SPCE produisent 5 759 kg de lait/an avec 700 kg de concentés en moyenne/an, malgré un régime alimentaire flexible.
Rémi Lavé, technicien, explique :

Les rotations et les conditions météo influencent nos stocks de fourrages. Les quantités de concentrés peuvent aller du simple au double en fonction de la récolte de l'année. Le type de concentrés est aussi amené à évoluer. On fait avec ce qu'on a, toujours dans un objectif d'optimisation des ressources.


La rentabilité économique des deux systèmes est plus élevée aujourd'hui que lors des années où le domaine était en agriculture conventionnelle : le produit brut a augmenté de 25% sur dix ans et les charges opérationnelles ont été divisées par deux, notamment grâce à la réduction des achats d'intrants.



Des pratiques innovantes

Pour parvenir à de tels résultats, l'équipe de l'Inra de Mirecourt a du changer sa façon de faire mais aussi sa façon de penser le métier.
Jean-Louis Fiorelli, chercheur à l'Inra de Mirecourt, souligne :

Le changement ne s'est pas fait du jour au lendemain. Il nous a fallu changer nos repères, revisiter ou inventer de nouvelles pratiques.


Désormais, l'équipe n'hésite pas à faire varier l'effectif du troupeau, comme l'explique Louis Echampard, technicien :

Les premières années, le stock de foin a fortement augmenté. L'effectif d'animaux ne nous permettait pas de le résorber. En 2007, nous avons donc décidé d'élever des boeufs pour utiliser le stock. L'ensemble des veaux mâles nés cette année, soit une vingtaine, a été élevé. La campagne suivante, on a commencé à élever un autre lot, qu'on a finalement vendu à seize mois. Car depuis 2009, les mauvaises saisons se sont multipliées, et la récote de l'herbe a fortement baissé.

D'autres pratiques innovantes ont été mises en place parmi lesquelles l'allongement de la lactation. Jean-Marie Trommenschlager, technicien, explique la démarche :

En 2006, nous avons rencontré de gros problème de reproduction sur le SH, un tiers seulement des vaches étaient pleines. Elles n'étaient pas assez en état pour se reproduire. Nous avions plusieurs leviers d'actions à notre disposition : avancer la date de vêlage d'un mois, suivre au plus près les chaleurs pour être proréactif. C'est une troisième solution pour laquelle nous avons opté : l'allongement de la lactation. Les vaches ont finalement une bonne persistance laitière et elles ont le temps de reprendre de l'état. Des vaches à 10 000 kg en bio et sans concentrés, c'est donc possible… sur deux ans.

Les résultats obtenus par l'unité depuis maintenant dix ans démontrent que conduire des systèmes agricoles autonomes ayant très peu recours aux intrants et préservant la biodiversité est possible, tout en maintenant une rentabilité économique élevée, pour peu que l'on raisonne différemment et qu'on fasse évoluer les pratiques.

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