La filière laitière canadienne à l’épreuve du Covid-19

Limitation des tolérances et coupure de quota ont permis d'ajuster la production laitière en avril au Québec. CP : L.Page/Cniel
L’ensemble des économies mondiales a été affecté par la crise sanitaire que nous vivons actuellement. Le Canada n’échappe pas à la règle. Annie Royer, professeure en agroéconomie à l’université Laval-Québec, livre son analyse de la situation dans son pays.

Avant de passer en revue les impacts de la crise sanitaire au Canada, Annie Royer a rappelé les trois principes de base de la gestion de l’offre canadienne :
  • un quota est délivré en fonction de la demande en matière grasse ;
  • les producteurs sont responsables financièrement des surplus ;
  • la fixation du prix à la ferme est fonction des coûts de production et des IPC.

« Pour que le système soit viable, il y a peu d’échanges internationaux, d'exportations et d'importations. Par ailleurs, aucune subvention directe n’est versée aux producteurs », explique Annie Royer, à l’occasion d’un webinaire de l’Institut de l’élevage.


La production laitière canadienne est en légère croissance depuis 2011. En 2019, 90 millions d’hectolitres de lait ont été produits au Canada, à un prix moyen de 75 dollars canadiens (49 euros)/hectolitre. La production du Québec représente 36 % de la production totale du pays.

Le choc de la fermeture de la restauration

« Pour comprendre la chronologie des évènements liés au Covid-19, je vais vous présenter ce qu'il s’est passé au Québec. La situation est représentative du reste du pays. La crise s’est déroulée en trois phases », indique Annie Royer.

Le 13 mars, l’urgence sanitaire est déclarée au Canada : les écoles, les garderies, et les frontières canadiennes sont fermées.

« Les consommateurs ont paniqué, ils se sont rués dans les magasins pour faire des stocks de produits alimentaires, il y a eu un pic de demandes pour les produits laitiers. Un comité filière de gestion de crise a été créé, il s’est réuni tous les deux jours. Les membres ont discuté collectivement des enjeux et des solutions. Il semble avoir très bien fonctionné. »

Deuxième phase de la crise : de fin mars, jusqu’à récemment, les commerces et le HRI (hôtels, restaurants, institutions) ont été fermés. 

« Il y a eu un déplacement massif de la consommation vers le détail, mais pas suffisamment pour combler la baisse du HRI. Cela a engendré des surplus de production. »

Le HRI représente 35 % des ventes de produits laitiers au Québec, 42 % pour les fromages et 59 % pour la crème. Le confinement a entraîné une augmentation des ventes de lait à boire en avril (de 7 % par rapport à 2019), et les ventes de yaourts ont anormalement baissé ( de 12 % en avril).
Les ventes de fromages se sont effondrées (de 31 % en avril et de 8 % en mai). De nombreux fromages sont vendus en RHI, notamment utilisés dans la poutine, plat typique du Canada, essentiellement consommé à l’extérieur. Les ventes de crème ont également reculé (de 21 % en avril et de 7 % en mai). Les chaînes de restauration utilisent beaucoup de crème dans les cafés. À l’inverse, les ventes de beurre ont augmenté (de 31% en avril), les gens ayant davantage cuisiné en avril.

Des mesures pour réduire la production

Face à cette situation exceptionnelle, le Canada a mis en place des mesures pour réduire la production.

« Ils ont limité l’usage des tolérances : il existe un quota journalier pour la production laitière, on tolère une sous ou une surproduction parce que les vaches ne sont pas des robinets parfaits. Habituellement, le quota non produit peut être accumulé pour être utilisé lors d’une hausse de production. Pendant cette période de crise, le Gouvernement a donc limité ces tolérances. Le surplus de production n’a pas été payé et il y avait même des pénalités. »

Deuxième mesure : la coupure de quota de 2 % au 1er mai. Les producteurs ont été accompagnés pour réduire l’impact financier à la ferme.

Ces deux mesures ont permis d’ajuster rapidement l’offre. Les prévisions avancent une baisse de 4,5 % de la production laitière au Québec entre mars et mai. 14 millions de litres de lait (4,9 % de la production totale du mois d’avril) ont tout de même dû être jetés. Les producteurs ont aussi donné 4,3 millions de litres.

Le prix du lait à la ferme a connu une baisse au Québec en avril (de 9,5%). Il a, depuis, remonté. Plusieurs facteurs expliquent cette diminution :
  • le changement dans la structure des ventes (diminution des fromages et des crèmes et augmentation du beurre et des poudres, des produits à plus faible valeur ajoutée) ;
  • les surcoûts liés au stockage des surplus de production ;
  • les pertes de revenus provenant des volumes moindres partagées collectivement entre les producteurs ;
  • la chute des prix mondiaux de la protéine.

« Nous sommes entrés dans la troisième phase. L’économie redémarre, mais la filière est toujours en mode d’adaptation avec de fortes incertitudes : sur un possible reconfinement en cas de deuxième vague et sur la réouverture de la restauration. Les spécialistes s’accordent sur un potentiel de porte récession à court et moyen termes,et sur une diminution du pouvoir d’achat des consommateurs se tournant vers des produits à plus faible valeur ajoutée. Et l’entrée en vigueur de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique en juillet 2020 va affecter le potentiel de croissance de la production laitière domestique », analyse Annie Royer. 

 
 

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