Pourquoi la filière lait est-elle dans la tourmente ?

Face aux volumes devenus trop importants, les laiteries demandent aux éleveurs de diminuer les livraisons. CP : Pixel6TM
Dans le cadre d’un webinaire, l’Institut de l‘élevage a fait le point sur la situation en lait depuis le confinement. Des volumes trop élevés, des prix en baisse, la France n’est pas le seul pays européen a subir la crise.

Avec un effondrement de la restauration hors domicile (RHD) depuis le début du confinement (- 85 % pour certains transformateurs), les marchés restent très perturbés. Selon les données IRI publiées par l’Institut de l’élevage, en un mois, le e-commerce a gagné trois points de parts de marché en grandes surfaces (GMS). Il représente actuellement 10 % du marché. Parmi les rayons ayant progressé en GMS, la crémerie tire son épingle du jeu (+ 23 %).

Dans un premier temps, les consommateurs ont constitué des stocks, relève Gérard You, économiste à l’Institut de l’élevage. Les rayons se sont vidés en beurre, en crème et en lait liquide, au point de dépasser les achats cumulés normalement en RHD et en GMS. Les semaines suivantes, les achats étaient tout de même encore élevés en beurre et en crème, mais ceux du lait liquide ont baissé plus rapidement. 


Quant aux fromages, leur vente a aussi évolué positivement, mais pas pour tous. Afin de fluidifier la circulation des acheteurs en grandes surfaces, ces dernières ont réduit les gammes. Les rayons à la coupe ont parfois été fermés, pénalisant grandement les fromages sous signe de qualité. Le Cniel prévoit donc une communication en faveur des fromages AOP. En revanche, ceux à poids fixe et gencodés ont profité du confinement. Il en est de même pour les produits bio dans tous les circuits de distribution, et particulièrement pour les basiques comme le beurre.

Vers une baisse de la collecte

L’impact du confinement n'est donc pas le même pour tous les secteurs :

Les petites laiteries spécialisées en produits de grande consommation et RHD sont fortement pénalisées, analyse l'économiste. Les plus avantagées commercialisent des laits conditionnés. Les grandes laiteries sont aussi différemment touchées : celles qui fabriquent du beurre et de la poudre maigre s’en sortent mieux. Il en est de même pour les coopératives de collecte qui dépendent le moins du marché spot.

Qu'importe leur situation, les laiteries, appuyées par le Cniel, demandent de modérer les livraisons. Si certaines ne visent pas des baisses de volumes et de prix, d’autres sont plus incitatives. Sodiaal, par exemple, va baisser ses prix au printemps avec une compensation possible cet été. Des coopératives de collecte comme l'ULM demandent de réduire collectivement les volumes, avec une réduction individuelle supplémentaire pour les producteurs ayant livré davantage en mars. Elles jouent aussi sur le prix : le volume supplémentaire sera payé symboliquement un euro les 1 000 litres ! Quant aux AOP, elles réduisent leur fabrication : -  8 % pour celle du Jura avec les volumes excédentaires non payés, - 20 % dans les Alpes (abondance, tomme des Bauges et reblochon), - 30 % pour le saint-nectaire avec des volumes excédentaires payés 200 à 250 euros les 1 000 litres.

 Les premières conséquences de ces dispositifs se sont traduites par une baisse de 1 % du lait collecté sur 2019, alors que la tendance jusqu’en mars était de + 1 à 2 %, précise Gérard You. Les conditions climatiques, nuits fraîches et climat sec, devraient normalement limiter la production.

Puisque tous les prix s'effondrent, réduire la voilure était devenu une nécessité. Ceux de la poudre maigre ont chuté de 28 % en six semaines, se rapprochant du prix d’intervention fixé à 1 698 euros/tonne. Le prix du beurre sur le marché spot commence, lui aussi, à diminuer. Et le lait valorisé en beurre/poudre (30 % du lait en France) a brutalement baissé et s'approche du prix d’intervention.
Enfin, le lait standard affiche des baisses de 20 à 30 euros/1 000 litres au premier trimestre 2020. Le prix du lait conventionnel se situe entre 315/335 euros les 1 000 litres.

L’ampleur de la crise diffère selon les pays

En Europe, la situation évolue aussi à la baisse. Les Pays-Bas, où le confinement est moins strict qu’en France, n’enregistrent pas encore de diminution de collecte de lait. Les Néerlandais ont toutefois prévu un plan d’urgence. L’Irlande est sur le même schéma que les Pays-Bas.

 En Allemagne, quelques transformateurs ont demandé de réduire la collecte, mais les plus gros d’entre eux ne voient aucune raison de la freiner, note Jean-Marc Chaumet, économiste à l’Institut de l’élevage. En revanche, au Royaume-Uni, certaines laiteries ont décidé de baisser les prix, des producteurs jettent leur lait tandis que des transformateurs bénéficient de la hausse des achats des ménages.

De grosses turbulences aux États-Unis

Aux États-Unis, la production est à la hausse, et certains éleveurs sont contraints de jeter leur lait :

 Au début de la crise, les achats se sont maintenus grâce aux ménages américains, mais désormais, ils sont en chute libre. Il y a environ 10 % de surplus par rapport à la demande. Les cours du beurre et du cheddar s'effondrent également.

En Chine, la production locale est en forte hausse (de 6 % en 2020). Les importations ont été conséquentes en 2019 pour les poudres grasses et maigres, pour le lait infantile ainsi que pour le lait liquide.  

En raison de la crise et de la baisse de consommation, de nombreux produits secs ont été fabriqués en Chine, remarque Jean-Marc Chaumet. Mais quelles sont les appréhensions des ménages ? L’Europe pourra-t-elle fournir encore du lait infantile à la Chine ? Les consommateurs chinois semblent inquiets à ce sujet. La Chine va-t-elle profiter de la baisse des prix au niveau mondial pour acheter au lieu de puiser dans ses stocks ?

Rendez-vous fin avril pour connaître les premières réponses. 

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