Quatre expériences collectives en méthanisation

La Cuma est un lieu privilégié pour l’émergence de projets collectifs, dont les projets de méthanisation. Photo : DR.
À l’occasion du premier Salon Mécaélevage organisé par les Cuma, le 19 juin 2014 à Bressuire (Deux-Sèvres), un atelier sera consacré à la Méthanisation en petit collectif agricole . En effet, la Cuma est un lieu privilégié pour l’émergence de projets collectifs, dont les projets de méthanisation.

Intervenante sur cet atelier, Armelle Damiano, responsable du plan biogaz en Bretagne et Pays de la Loire pour l’association Aile (réseau Cuma – Ademe), indique :

La Cuma peut recevoir des aides pour réaliser des études de faisabilité, et recevoir des subventions. Quand on passe à l’étape de vendre de l’énergie, il faut un autre statut juridique, en général une société anonyme.

Pour illustrer l'intérêt de la dynamique collective en petite méthanisation, nous vous proposons ce dossier de 4 expériences d'éleveurs

1. Cinq éleveurs seuls maîtres à bord

Gilles Tremouille, président Coop-Cuma St Quentin (Dordogne), dont le méthaniseur a été mis en service en décembre 2011 :

Notre réflexion sur la méthanisation a démarré entre 3 adhérents, sur les 17 adhérents en polyculture-élevage que compte la Cuma de St Quentin. La Cuma a facilité l’émergence du projet ; c’est un lieu naturel de discussion et d’entraide. On a l’habitude de travailler ensemble de génération en génération ; on s’entend bien. Nos 3 exploitations représentent 5 associés et 1200 places en veau de boucherie à proximité de Sarlat, ville touristique dont la population a beaucoup augmenté. Nous voulions anticiper sur le traitement de nos effluents. {{IMG:1}} Gilles Tremouille à l’occasion de la visite de François Hollande en août 2013. Photo AEB Méthafrance Notre méthaniseur de 160 kW est alimenté à 70% avec des produits agricoles (fumier, lisier, déchets de céréales). La chaleur est utilisée pour le fonctionnement du méthaniseur, pour l’eau de l’alimentation des veaux (70% des besoins), pour chauffer nos 5 maisons. Nous avons un projet d’agrandissement à 250 kW qui permettra de sécher une partie du digestat. Hors subventions, il est resté à notre charge 1,5 million d’euros. Du statut Cuma, nous sommes devenus coopérative-Cuma, avec un objet achat-vente, afin de pouvoir récupérer la TVA. Cette coopérative est détenue à parts égales par les 5 associés. Il est normal que les agriculteurs récupèrent la valeur ajoutée de la méthanisation si celle-ci se fait sur la base de produits agricoles. Les facteurs de réussite d’un tel projet sont de bien étudier le pouvoir méthanogène des intrants ; et une bonne entente car il faut passer du temps à mûrir et monter le projet, puis il faut assurer le chargement et une surveillance constante. Il faut définir qui s’en occupe au quotidien. Dans notre cas, nous assurons le travail une semaine sur 5, à tour de rôle. C’est une activité complémentaire de nos activités de base : elle doit s’intégrer dans la charge de travail existante. Aujourd’hui, personne ne regrette : nous avons réduit nos charges de façon très significative.

2. Le cofinancement par le bureau d’études est rassurant

Jérôme Grellier, gérant SAS Cap’Ter à St Varent (Deux-Sèvres), dont le méthaniseur a été mis en service en novembre 2013 :

J’ai initié ce projet car je recherchais une diversification de mon activité. Pour l’exutoire de chaleur, j’ai sollicité la Coopérative fromagère de Riblaire du groupe Lactalis, à St Varent, qui transforme du lait de chèvre. Ils ont été intéressés pour plusieurs raisons : un coût d’énergie réduit, la perspective de l’étiquetage de l’empreinte carbone sur les produits alimentaires, leur image et l’opportunité d’un projet de territoire avec leurs livreurs de lait. Ensuite, j’ai sollicité des éleveurs voisins : il fallait un dimensionnement suffisant pour intéresser la laiterie. Nous sommes 9 : éleveurs de bovins viande, de chèvres et céréaliers, rassemblés dans une SAS. Ce statut nous a été conseillé par le cabinet comptable qui a travaillé sur le projet du méthaniseur de Thouars. {{IMG:2}} Le méthaniseur de CapTer est alimenté exclusivement avec du fumier solide. Photo: DR. Notre méthaniseur de 500 kW est alimenté exclusivement avec du fumier solide : c’est unique, le bureau d’études Méthanéo souhaitait développer ce process en France. Les éleveurs récupèrent le digestat pour leurs terres, ou l’échangent avec les céréaliers contre de la paille. Nous fournissons de l’eau chaude à 90°C à la fromagerie ; leurs besoins nous permettent d’envisager à l’avenir un doublement de la puissance. L’autre moitié de l’énergie thermique chauffe le méthaniseur. Hors subventions, les 9 agriculteurs ont investi 370 000 euros, et le bureau d’études a investi autant. Ce cofinancement est rassurant car le fournisseur de l’outil est impliqué : ce sont des projets très lourds que les agriculteurs ne peuvent gérer seuls. Nous avons besoin d’eux, et ils ont besoin de nous. Côté fonctionnement, je suis la seule personne présente sur le site ; ensuite, quand nous maîtriserons parfaitement l’outil, nous déléguerons à un salarié. Parmi les facteurs de réussite, il faut que l’équipe d’éleveurs impliqués dans le projet s’entende bien, et qu’il y ait un leader dans le groupe. Le cofinancement apporté par Méthanéo est aussi un facteur essentiel selon moi. Enfin, la motivation des éleveurs est venue de la suppression de la logistique d’épandage du fumier : désormais le fumier est stocké dans un caisson qui est vidé dans le méthaniseur, puis rempli de digestat avant de retourner chez l’éleveur. Le digestat est beaucoup plus proche d’un engrais minéral que le fumier. La production d’énergie à partir de fumier est aussi une façon de valoriser l’image des éleveurs.

3. Prolonger la dynamique d’un groupe très soudé

Christophe Fouché, président et gérant de la SAS Métha Bel Air (Vienne), dont le méthaniseur a été mis en service en 2010 :

La Cuma du Sillon créée en 1984 a été le lieu d’émergence d’un projet de valorisation des céréales suite à la Pac de 1992 : la SCEA Porc Bel Air qui compte 450 truies en système naisseur-engraisseur a été créée en 1995 entre 6 adhérents de la Cuma et la coopérative Coréa. C’est la SCEA qui a porté le projet de méthanisation, dans l’objectif de traiter les effluents porcins et les effluents des 6 exploitations (bovins lait, bovins viande, chèvres, céréales, tabac).

{{IMG:3}} Christophe Fouché. Photo: DR. Nos objectifs étaient de trouver une solution aux odeurs de lisier, et de créer une nouvelle activité de production d’énergie, afin de prolonger notre dynamique de groupe. À l’avenir nous souhaitons aussi faire de la séparation de phase au niveau du digestat pour passer d’un volume de 20 000 m3 à 4 000 m3, et réduire le coût logistique de l’épandage. Notre méthaniseur de 600 kW absorbe 8 500 m3 de lisier de porc, 5 000 m3 de lisier de vache, 1 000 t de fumier de vache, 1 200 t de fumier de chèvre et 4 000 t d’issues de céréales de Coréa. Ce sont des produits nobles et stables, plus intéressants que des déchets agroalimentaires à mon sens. La chaleur chauffe le méthaniseur, les 8 000 m2 de porcherie, le séchoir à luzerne et le séchoir à tabac. Tout a été regroupé sur un site de 5 ha et nous valorisons plus de 70% de la chaleur. Nous ne sommes que 3 à intervenir sur le site : le vice-président de Métha Bel Air et moi-même (qui gérons aussi la porcherie), et un salarié à mi-temps. La SAS compte trois actionnaires : la SCEA Porc Bel Air pour un peu plus de 50% car on voulait être majoritaire, Corea et Sergies qui se partagent les 50% restant. Ouvrir le capital à ces acteurs a été nécessaire pour investir dans une capacité de 600 kWh, tout en ne produisant que 300 kWh au début. Hors aides, la SAS a investi 1,8 million d’euros. Il faut y ajouter 2 millions d’euros investis par Porc Bel Air et ses associés pour adapter la porcherie, les séchoirs à luzerne et tabac. Les facteurs de réussite sont : un véritable esprit collectif (nous sommes unis comme les doigts de la main) et « des pilotes dans l’avion » car ce sont des projets compliqués ; une ouverture du capital, car ça vaut tous les contrats du monde pour avoir des partenaires qui s’impliquent, notamment sur l’apport de matière. La possibilité que le constructeur réalise un diagnostic du fonctionnement du méthaniseur à distance est importante également.

4. Un projet de territoire soutenu par une municipalité : la SAS St Georges Méthagri à St-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire)

Ce projet de 250 kW, dont la mise en service est prévue le 1er trimestre 2015, s’est élaboré au sein d’un groupe de 6 exploitations principalement en bovins lait et viande (un éleveur volailles – ovins), désireux de mieux valoriser leurs effluents, de pérenniser leurs exploitations en périphérie de bourg, et de porter un projet collectif d’énergie renouvelable. Les gisements d’effluents représentent 300 m3 de lisier, 7 100 t de fumier et 1 200 t de résidus végétaux (tontes pelouse, menues pailles, CIVE).
Organisés dans un premier temps en association, les éleveurs
ont créé la SAS St Georges Méthagri en 2012. Photo Solagro
Le groupe d’éleveurs a été assisté depuis le démarrage par la chambre d’agriculture de Maine-et-Loire, très volontariste dans le domaine de la méthanisation.
Grâce à l’écoute des élus locaux, le projet de construction d’une maison de retraite et du siège de la communauté de communes Loire-Layon se sont imposés comme débouché thermique idéal. Néanmoins, ce débouché ne permettait d’atteindre que 45% de valorisation de chaleur. Un débouché thermique complémentaire a été trouvé sur la période estivale avec la mise en place d’un séchoir en collaboration avec la Coop Anjou Plantes : il permet d’atteindre 69% de valorisation de la chaleur. En contrepartie, les 6 exploitations se sont engagées à produire des plantes aromatiques et médicinales.

La technologie choisie est la méthanisation par voie sèche avec quatre garages côte à côte (plus deux pour anticiper une éventuelle évolution de capacité).
Tous les 15 jours, un garage est rempli de déjections animales ; au bout de 60 jours, le premier garage est vidé, et ainsi de suite.

Le coût du projet est de 2,5 millions d’euros (dont 200 000 euros pour le séchoir). Les éleveurs ont apporté 1,53 million d’euros dont 1,33 million par un emprunt auprès de 3 banques. Les charges de fonctionnement prennent en compte un salarié à temps complet (gestion du transport des matières, de l’approvisionnement du site, et du séchoir) pour un coût de 163 000 euros/an. Le retour sur investissement est prévu sur un peu plus de 6 ans. Les travaux devaient démarrer fin mai.

Pour aller plus loin :
La méthanisation est rentable avec subventions
Guide pratique Coop de France / FNCuma : Réussir un projet de méthanisation territoriale et multipartenariale

Témoignages en vidéo :
Gaec Rousset à Montrodat (Lozère) : méthanisation et engraissement de taurillons font bon ménage, dans Cultivar App’bovins n°6 du 14 novembre 2013
Gaec Oudet à Clavy-Warby (Ardennes) : les avantages de la menue paille en litière et en méthanisation, dans Cultivar App’bovins n°9 du 16 janvier 2014
Ferme équestre de Bois-Guilbert (Seine-Maritime) : la méthanisation par voie sèche en caissons mobiles Eribox, dans Cultivar App’bovins n°13 du 3 avril 2014
Méthaniseur Bert de Bio4gas : Innov'Space 2 étoiles au Space 2012

 

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