Triticale, pois fourrager, vesce : un ensilage concluant

La ferme de Thorigné-d'Anjou expérimente depuis plusieurs années un ensilage en association céréales-protéagineux . CP : ferme expérimentale Thorigné-d'Anjou
Stocker 2,2 t de MS par UGB tous les ans, c'est l'objectif que se fixe la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou, située dans le Maine-et-Loire, pour atteindre de l'autonomie. Elle est conduite en agriculture biologique avec des vaches allaitantes au potentiel agronomique modeste. Depuis plusieurs années, la ferme expérimente l'association céréales-protéagnieux récoltée en ensilage. 

« Notre objectif est d’aller chercher des stocks de fourrages pour nourrir les animaux en période hivernale, explique Julien Fortin, le directeur de la ferme expérimentale. Ces fourrages doivent être d’une bonne valeur nutritive, car nous avons des catégories d’animaux à fort besoin, comme les couples mère-veau en vêlage d’automne et les génisses mises à la reproduction pour un premier vêlage à 24 mois. »

Fini le maïs

Après huit ans d’ensilage de maïs avec un rendement moyen de 7,7 t de MS qui varie d’une année à l’autre de 50 %, la ferme expérimentale a décidé de se tourner vers les ensilages d’association céréales-protéagineux. Une alternative au maïs ensilage qui répond à deux objectifs : sécuriser la production fourragère et obtenir un fourrage plus équilibré qui nécessite une moindre correction.

 « Sur la ferme, les mélanges sont généralement composés de triticale, d'avoine pour les céréales et de pois fourrager, de vesce commune et de féverole pour les légumineuses, détaille Bertrand Daveau, ingénieur recherche et développement au sein de la ferme. Avec cette composition, le premier objectif est d’avoir un mélange productif pour sécuriser le système fourrager. Le second objectif est d’optimiser la part de protéagineux pour maximiser celle de protéines. »

 Trouver le bon équilibre entre les espèces

La première étape pour mettre en place ces mélanges a été de trouver le bon dosage des différentes espèces afin que la production ainsi que les valeurs nutritives soient au niveau, le tout sans éviter les problèmes de verse. 
Quatre mélanges ont été testés. Le premier était composé uniquement de triticale à 300 g/m2 et de pois fourrager à 20 g/m2. « Après cinq ans de test en microparcelle, nous avons obtenu un taux de protéagineux de l’ordre de 26,5 % et un niveau de verse à la récolte que nous avons qualifié de faible », indique Julien Fortin.
Afin de gagner en productivité et en valeur nutritive, le même mélange a été réalisé en baissant la dose de triticale à 290 g/m2 et en augmentant la dose de pois fourrager à 30 g/m2. Sur trois années, le taux de protéagineux s’établit à 24,4 % avec un risque de verse qualifié de moyen, puisqu’une partie du fourrage se retrouvait versée. 

Un mélange à trois espèces 

Le troisième mélange, lui, se composait de triticale à 290 g/m2, de pois fourrager à 15 g/m2, et d'une dose de vesce de 15 g/m. Sur trois ans d’observation, le taux de protéagineux a dépassé les 30 %, avec un risque de verse qualifié de moyen. 

« Nous avons voulu aller plus loin, nous sommes repartis sur le même mélange triticale (290 g/m2), pois fourrager (20 g/m2) et vesce (20 g/m2) en augmentant de 5 g/m2 la densité de pois fourrager et de vesce, indique Julien Fortin. Nous nous sommes rendu compte que la quantité de protéagineux était bien plus élevée que sur les autres tests (36,6 %). En revanche, le phénomène de verse s’est avéré problématique, impliquant des difficultés à la récolte. »

Des valeurs nutritives boostées par les légumineuses

Une fois les proportions idéales déterminées pour le mélange, la ferme s’est intéressée aux résultats de biomasse produite et de valeurs nutritives. L’ensilage est réalisé vers le 10-15 juin au stade laiteux-pâteux des céréales. À cette date de récolte, les mélanges (cités au-dessus) sont très productifs. Il n’y a pas de différence notable en matière de productivité : tous les mélanges sont d'environ 11 t de MS de biomasse. 
En revanche, sur la matière azotée, la différence va être liée à la part de protéagineux où l’intérêt de ces derniers est de pouvoir ramener des protéines. « Nous allons passer de 5/6% de MAT sur des triticales en pur jusqu’à 90 à 104 g de MAT par kg de MS », observe Bertrand Daveau. 
Les valeurs d’UFL, quant à elles, sont un peu plus élevées sur les associations liées au protéagineux, avec des chiffres autour de 0,85 UFL. Les protéagineux font également augmenter les valeurs de PDIE et de PDIN. En PDIN, notamment, on passe de 38 g/kg de MS pour un triticale seul à 66 g/kg de MS pour un mélange triticale-pois-vesce.
 

Une récolte vers le 15 juin

Concernant la récolte, sur une association triticale (290 g/m2), vesce (15 g/m2) et pois fourrager (15 g/m2), la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou a testé trois dates de récolte. Une première au stade précoce, vers le 5 mai, qui correspond à la floraison des protéagineux. Une seconde, au stade intermédiaire, vers le 20 mai, au moment de la floraison des céréales. Puis, une troisième, au stade tardif, vers le 15 juin, au stade laiteux-pâteux des céréales.

« Nous avons observé que la biomasse va plus que doubler entre le stade précoce et le stade tardif, affirme Bertrand Daveau. En matière de valeurs nutritives, nous nous sommes rendu compte que sur les récoltes très précoces, nous ne concentrons pas énormément d’énergie et de protéines. »

Les deux experts s’accordent sur le fait que ce type de mélanges pour des récoltes précoces n’a pas grand intérêt, puisque le gain est relativement modeste sur les valeurs alimentaires, et la perte de la biomasse s’estime à 55 % en comparaison au stade tardif. 
 

Quelle conduite pour le mélange ?

Aujourd’hui, le mélange préconisé est de semer 300 g/m2 de triticale, d’y associer 15 g/m2 de pois fourrager et 15 g/m2 de vesce. L’idée est d’avoir un fourrage capable d’aller chercher un bon compromis entre valeurs nutritives et productivité. Récolté en coupe directe avec un taux de matière sèche proche des 35 % à la mi-juin, le produit final atteint des valeurs de 0,77 UFL, de 60 g/kg de MS de PDIN et de 65 g/kg de MS de PDIE.
Il est conseillé de semer cette association entre le 15 octobre et le 5 novembre. Les graines doivent être installées entre 2 et 3 cm de profondeur en un passage seul. Le chantier de récolte est un élément clé de la réussite de cet ensilage de céréales-protéagineux. 

Ne pas négliger la récolte

« La récolte doit s’effectuer autour du 10/15 juin au stade laiteux-pâteux des céréales, précise Bertrand Daveau. À ce moment-là, il faut être prudent car les évolutions du taux de MS sont très rapides. L’idéal est d’avoir un taux qui se situe entre 33 et 35 % de MS. Une fois ce niveau atteint, il faut aller vite car il peut rapidement passer au-dessus de 40 % et cela peut poser des problèmes de conservation et d’indigestibilité pour les animaux. »

Au moment du chantier de récolte, il faut avoir la même exigence que sur des chantiers de maïs ensilage en matière de finesse de hachage (autour de 3-4 cm). L’ensilage doit également être fortement tassé. Avec un hachage de qualité et un bon tassage, la densité du silo peut aller jusqu’à 200 kg de MS par m3

« Ramené au silo, le mélange ne coûte par très cher, 55 € par t de MS hors main-d’œuvre, chiffre l’ingénieur recherche et développement. C’est un fourrage relativement économique, puisque nous sommes sur un mélange à dominante de céréales où les céréales sont de la semence fermière. Le coût de la semence reste ainsi limité, à 125 €/ha. » 

Un ensilage qui correspond à tous les âges

Une fois récoltée et mise en silo, cette association peut être utilisée sur toutes les catégories de bovins. « Si le fourrage est utilisé de façon équilibrée, distribué dans les bonnes quantités et complémenté avec le bon fourrage ou une bonne matière première, il n’y a aucun souci à se faire », affirme Julien Fortin. 
Sur la ferme expérimentale, les vaches à la reproduction reçoivent ce mélange dans une ration composée de 6,7 kg de cette association céréales-protéagineux, de 5,4 kg de MS de foin de luzerne et de 0,9 kg de triticale/pois. Le taux de gestation calculé sur deux mois uniquement est alors de 87 %. 

« Pour nos génisses en croissance, sur des animaux de 14-18 mois, nous avons une ration de 3,0 kg de MS kg d’association céréales-protéagineux, de 2,8 kg de MS de foin et de 0,9 kg de féverole, détaille le directeur de la ferme. Avec ce régime, nous arrivons à une croissance hivernale de 456 g/j, dans une optique de croissance compensatrice au pâturage. » 

Concernant les vaches à l’engraissement – aux besoins énergétiques très importants – la ration se compose de 5,8 kg de MS d’association céréales-protéagineux, de 2,7 kg de MS de foin de luzerne, de 4,1 kg de triticale/pois et de 0,9 kg de féverole. Dans ce cas, les performances réalisées avec la ration sont une croissance moyenne de 1164 g/j.
 

 

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