Des impacts, mais aussi des services

La suppression complète de l’élevage ne permet pas d’atteindrede plus hauts niveaux de service environnementaux. Photo: H. Grare / Pixel Image
À la demande des ministères en charge de l’Écologie et de l’Agriculture, et de l’Ademe, l’Inra a mené une expertise scientifique collective explorant les connaissances récentes pour appréhender l’élevage européen dans son ensemble, avec ses différents rôles, impacts, services et interactions. L’expertise qui considère simultanément les marchés, l’emploi et le travail en élevage, la consommation d’intrants, l’environnement et le climat a notamment conclu :

Ces travaux montrent que la suppression complète de l’élevage ne permet pas d’atteindre les plus hauts niveaux de service environnementaux – sans élevage, les prairies qui ont un rôle clé pour la biodiversité et la séquestration du carbone dans les sols tendraient à disparaitre – ce qui souligne l’existence d’un optimum comprenant une part de produits animaux dans la consommation humaine.

Les chiffres de l’élevage parlants

L’étude de chaque dimension permet déjà de réaliser un premier état des lieux de l’élevage européen. Elle met notamment en évidence que :
  • La consommation des produits issus des animaux représente 60 % des protéines ingérées quotidiennement par les européens. C’est deux fois plus élevé que partout ailleurs dans le monde et reste stable depuis 1990.
  • Les produits animaux européens comptent 600 appellations d’origine (AOP ou IGP). Chiffre en constante augmentation.
  • Les productions animales contribuent pour environ 45 % à la production agricole finale en valeur.
  • L’élevage emploi 4 millions d’actifs, dont 15 % de salariés. S’ajoute un million de salariés employés dans les industries et filières animales.
  • Les exploitations européennes d’élevage utilisent 60 % de la SAU européenne, dont 74 millions d’hectares de surfaces toujours en herbe. Chacune utilise en moyenne 34 ha de SAU et dispose d’un cheptel de 47 UGB, avec une modulation forte en fonction des systèmes d’élevage et des pays
  • Les industries européennes des filières animales (lait, viandes, aliments pour bétail) réalisent un chiffre d’affaires d’environ 400 milliards d’euros (2013)
  • Les élevages européens consomment annuellement 220 millions de tonnes de céréales et d’oléoprotéagineux.
  • L’UE importe 70 % des protéines d’oléo-protéagineux (surtout le soja) destinées à l’alimentation animale.
  • L’élevage consomme environ 45 % de l’énergie utilisée en agriculture.
  • Les ruminants sont responsables de 60 % des émissions de GES provenant des élevages en Europe.

Des bouquets de services

Au-delà d’estimations monocritère, l’expertise collective s’est afférée à analyser chaque système d’élevage dans sa globalité prenant à la fois en compte les services rendus et les impacts. Trois types de territoires ont ainsi été identifiés :
  • Les territoires denses en animaux et peu herbagers :

Ils concentrent un tiers du cheptel européen principalement situé au Danemark, Pays-Bas, Nord de l’Allemagne et Ouest de la France. La gestion des pollutions induites par la forte concentration d’animaux et la limitation des intrants sont au cœur des arbitrages locaux. Ces systèmes majoritairement consacrés à la production de produits de qualité standardisée et à coûts optimisés sont très sensibles à la conjecture économique sur laquelle ils n’ont pas de prise. Pour les ruminants, le levier principal est d’accroître, quand cela est possible, le recours au pâturage pour optimiser les rôles biologiques des prairies.

  • Les territoires d’élevage :

Ils concernent essentiellement les ruminants et se caractérisent par un degré élevé d’autonomie vis-à-vis des intrants. Les systèmes herbagers ne cherchent en effet pas systématiquement à maximiser la production mais à valoriser les ressources locales, en limitant la fertilisation minérale des prairies et la mécanisation. Du fait de la faible densité animale et du rôle des prairies permanentes dans la séquestration du carbone, leur impact environnemental par unité de surface reste en général limité.

  • Les territoires associant cultures et élevage :

Ce sont les zones où la structure des élevages est la plus hétérogène tant en taille qu’en orientations productives. Les systèmes de polyculture-élevage valorisant les complémentarités entre les cultures et l’élevage sont l’idéal-type de ces territoires car ils permettent de fournir de nombreux services, en particulier en améliorant la qualité des sols et la trame paysagère et rendant plus efficace le bouclage des cycles biogéochimiques (azote, carbone). Cette association entre productions animales et végétales n’est que très partiellement effective dans les territoires où coexistent élevage et cultures. L’élevage a subi une forte concurrence des cultures.

Selon l'étude, deux variables semblent déterminer la modulation des impacts des élevages européens : la densité animale et le mode d’alimentation du bétail. La densité animale est un facteur de la compétitivité économique des exploitations et de leur filière. Lorsque les concentrations animales excèdent la capacité d’absorption des milieux naturels, cela peut se traduire par des pollutions vers les milieux aquatiques, le sol et l’air, avec des impacts variables suivant la vulnérabilité des milieux. L’alimentation du bétail, le deuxième facteur, détermine l’usage des terres et des ressources, la conduite des troupeaux, les services environnementaux et paysagers. 

Nuancer les stéréotypes

Affirmer que les systèmes d’élevage à hauts niveaux de production sont les plus néfastes à l’environnement doit être relativisé par les calculs d’impacts globaux par unité de produit. Mais affirmer que ces systèmes sont les plus efficaces dans l'utilisation des ressources serait également faux car les variations de prix affectent différemment les rentabilités des différents systèmes.

De même, si l’élevage est une des causes de la perte de biodiversité du fait de la pression qu’exercent les besoins alimentaires des animaux à l’échelle mondiale, certaines formes d’élevage garantissent le maintien de paysages ouverts entretenus grâce aux prairies comme les alpages, le plateau de l’Aubrac, les marais de la façade Atlantique ou les garigues méditerranéennes… Ils illustrent la diversité d'écosystèmes extrêmement riches en flore et en faune, et qui ont évolué conjointement avec les pratiques pastorales depuis des millénaires. 

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