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Autonomie protéique

Est-il possible de faire mieux qu’aujourd’hui ?

Lorsque la demande en produits animaux sans OGM augmente, la production de légumineuses, y compris les prairies associées, s'accentue considérablement et la plupart des animaux sont nourris avec des légumineuses. CP : Pixel6TM

Le projet TerUnic, qui est labellisé par Végépolys Valley et qui vient de se terminer, analyse finement les différents scénarii possibles afin de rendre les élevages plus autonomes en protéines. Participant activement à ce projet, les éleveurs ont tous gagné en autonomie. 

À l’échelle du Grand-Ouest, l’autonomie en protéines pour les élevages atteint 56 % en moyenne. Cela signifie que plus de la moitié des protéines consommées par le cheptel de la région est autoproduite. Est-il possible d’améliorer ce taux ? En 2016-2017, seulement 5 % des tourteaux de soja utilisés en France pour alimenter le bétail étaient d’origine européenne. Et 10 % du tourteau importé étaient non OGM. Cette enquête a servi de base à une étude prospective à laquelle a participé une trentaine d’acteurs de Bretagne et des Pays de la Loire (agriculteurs instituts techniques, coopératives et entreprises, chambres d’agriculture, organismes de développement, de recherche et l’administration).

Évoluer vers plus d’autonomie exige de produire plus de légumineuses. Ainsi, leur production peut augmenter si des verrous technologiques sautent pour assurer plus de rendements et plus de régularité pour ces cultures (amélioration variétale, évolution de la technique de formulation et de ration). Cependant, ce facteur n’est pas suffisant. L’augmentation de l’offre doit s’accompagner d’un développement de la demande et d’une structuration de la filière. Dans un scénario plus disruptif, il est imaginé un développement des légumineuses pour l’alimentation humaine en substitution de la production animale, une politique publique plus incitative et une augmentation de la demande en produits animaux non OGM. Grâce au projet TerUnic, l'outil de diagnostic Devautop est désormais à disposition des conseillers et des éleveurs souhaitant faire progresser leur autonomie protéique dans leur exploitation.

 Les aides PAC ne suffisent pas

L’impact de ces scénarii dans l’Ouest de la France a été étudié par Julia Jouan dans le cadre d’une thèse du projet TerUnic présenté en webinaire par Végépolys Valley. La jeune chercheuse a combiné deux modèles, l’un (Synergy) basé sur la bioéconomie de l’exploitation agricole en Bretagne et Pays de la Loire, et l’autre (CGE) sur l’économie au niveau de la filière française :

« Les résultats montrent qu'une augmentation des aides couplées aux légumineuses entraîne une augmentation de la production de légumineuses, mais que cela a peu d’influence sur l'autonomie protéique ou sur d'autres indicateurs, car les légumineuses ne sont pas plus utilisées en alimentation animale. […] Par conséquent, il serait intéressant de développer d’autres outils pour favoriser l’introduction des légumineuses dans les rations animales, tels que des investissements structurels pour réduire les coûts de transaction entre les producteurs et les collecteurs. Cependant, les rations à base de légumineuses sont généralement moins efficientes en protéines que celles à base de soja. À technologie constante, plus de terres sont donc nécessaires pour produire du bétail. Il s'agit d'un problème fondamental, car une part importante des terres agricoles (65 % dans l'Union européenne) est déjà consacrée à la production animale. Il existe donc un dilemme entre l'utilisation d'aliments hautement efficaces reposant sur des échanges mondiaux ou des aliments moins efficaces mais produits localement. Lorsque la demande en produits animaux sans OGM augmente, la production de légumineuses, y compris les prairies associées (70 % ray-grass italien et 30 % trèfle blanc), s'accentue considérablement et la plupart des animaux sont nourris avec des légumineuses. »

 

 Et si la productivité des légumineuses augmentait ? 

Si le rendement des légumineuses (pois, féverole, luzerne) avait été de 25 % plus élevé (celui des prairies associées de 12,5 %), dans les années 2010 à 2012, quel en aurait été l’impact ? Alexandre Gohin, de l’Inrae, livre quelques résultats inclus dans le projet TerUnic. Concernant le prix, celui du soja non OGM aurait baissé de près de 10 % si la demande en produits non OGM était restée stable. Mais la situation aurait été différente avec une demande forte des consommateurs en non OGM (10 % en porcs, 20 % en volailles et 30 % en herbivores). Pour répondre à cette dernière, les éleveurs auraient dû produire 100 % de porcs et de volailles non OGM en plus et 50 % d’herbivores non OGM en plus. Dans ce cas, le prix de la viande bovine aurait progressé de près de 12 %. Les surfaces en blé auraient légèrement diminué, et celles de soja auraient été en hausse de près de 11 %. Avec des rendements en progression de 25 % pour les légumineuses, le prix du tourteau de soja non OGM aurait baissé de plus de 9 % si la demande en non OGM était restée stable. Toutefois, conjugué à une demande forte, le tourteau de soja non OGM aurait affiché des prix de plus de 15 %.

Concernant le commerce vers les pays tiers, la forte augmentation de productivité des légumineuses se serait traduite par une balance commerciale française en hausse de 5 % voire de 14 % si la demande en produits non OGM était forte. « Cela s’explique par un accroissement de la compétitivité qui s’exprime lorsqu'une activité se développe », précise Alexandre Gohin.

Enfin, l’augmentation de la productivité des légumineuses aurait un effet positif sur le revenu agricole d’environ 2 %. En cas de fortes demandes de produits non OGM, l’emploi aurait progressé de 1,5 à 2 % dans les exploitations (plus de 3 000 équivalents temps plein), mais aussi dans les industries agroalimentaires. Sur le plan environnemental, le seul impact concernerait l’utilisation des produits phyto qui diminuerait seulement de 8 %.
 

 Des marges de manœuvre existent dans tous les systèmes 

Les exploitations en Bretagne et en Pays de la Loire qui ont participé à ces travaux montrent qu’une marge de manœuvre existe pour augmenter l’autonomie en protéines, quel que soit le système de production. Toutes les fermes suivies dans le projet TerUnic ont ainsi un niveau d’autonomie supérieur aux exploitations classiques. Pour la filière lait (35 fermes suivies), il est de 98 % en bio (contre 92 % dans les fermes classiques), de 87 % pour les fermes en système herbagers (72 % dans les fermes classiques), de 69 % en système herbe-maïs (62 % dans les fermes classiques), et de 60 % en système maïs (56 % dans les fermes classiques).

En bio, la production de 100 000 litres de lait demande 26,1 ha dont 0,5 ha en surface extérieure, tandis que pour le système maïs, 18,7 ha sont nécessaires dont 6,8 ha en surface extérieure. Et par rapport au lait produit, la part qui revient à une production autonome de protéines augmente lorsque l'éleveur utilise moins de maïs. Ainsi, sur les 5 350 litres de lait produit par vache en bio, 5200 litres le sont grâce à la production de protéines autonomes. En système maïs, sur les 8 000 litres de lait produits, 4 500 litres seulement peuvent être qualifiés de « lait autonome ». Et sans surprise, plus l’atelier lait est autonome et les concentrés peu utilisés, plus la marge brute est élevée. En bio, le coût du concentré revient quatre fois moins cher que pour le système maïs. L’autonomie dépend ainsi fortement de la gestion optimisée du pâturage, de l’introduction de mélanges céréaliers ou protéagineux, de la production de légumineuses, et, dans une moindre mesure, de la modification et de l’optimisation de l’alimentation, de l’utilisation de dérobée, de récoltes précoces, de coupes multiples et d’affouragement en vert. 

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