"Inventons un nouveau modèle agroalimentaire ensemble"

Le modèle agroalimentaire actuel a atteint de nombreuses limites, notamment en termes d’impact environnemental, de rapport entre les industriels et les éleveurs, et de confiance entre les industriels, les marques, et les consommateurs. Il a besoin d’être réinventé.

La stigmatisation et la culpabilisation ne servent à rien. Ainsi, Savante et Pipelette sont des militantes joyeuses qui cherchent à aller de l’avant. Pour nous, c’est ce qui permet de convaincre les consommateurs* d'aller vers l'agriculture biologique, mais aussi les éleveurs. J'aime rencontrer ceux qui se posent la question de la conversion. Je leur explique notre projet: le consommateur sait d'où vient le lait, et eux savent où va leur lait. Je pense que cela permet de donner du sens à leur travail.

Les fortes fluctuations du prix du lait en agriculture conventionnelle sont souvent liées à des facteurs très éloignés de la vie quotidienne des éleveurs, résume Daniel Tirat. Et ces grands mouvements ne sont finalement intéressants ni pour l'agriculteur, ni pour l'industriel. Nous avons ainsi beaucoup travaillé sur le calcul du coût de production afin d'intégrer cette dimension dans le prix payé aux producteurs. Pour conserver une relation au marché, voulue par les deux parties, la moitié du prix de base est définie en tenant compte du coût de production, et l'autre moitié à partir de l'évaluation régionale du prix du lait bio moyen.

Ils obtiennent une prime de 5 €/1000 litres si 75% de la ration est à base d'herbe, et une deuxième prime de 5 €/1000 litres liée à un indicateur de bien-être animal. Nous créons de la valeur, et nous la partageons avec nos agriculteurs. En effet, c'est un effort supplémentaire que nous leur demandons - mais ces critères sont généralement déjà respectés - car nous pensons que ces notions sont importantes pour le consommateur.

Avoir la prétention de réinventer un modèle et construire une nouvelle relation, de confiance, demande beaucoup d’humilité et de patience, d'autant plus que nous ne sommes qu'un petit maillon de la filière. Et l'éleveur doit aussi avoir envie de changer sa relation avec l'industriel. Se baser sur le calcul du coût de production, qui a tendance à lisser les variations, est plutôt favorable à l'éleveur quand le marché est peu porteur, et inversement. Or, le réflexe qui prédomine dans les relations entre agriculteurs et industriels est de regarder le prix court-terme et de dire "ça ne va plus". Il ne faut plus être dans la réactivité de l'instant.