Les prairies à flore variée : une technique gagnante ?

Les prairies à flore variée sont intéressantes pour une pérennité pouvant aller jusqu’à cinq ans. CP : ferme expérimentale Thorigné-d’Anjou.
La ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou, située dans le Maine-et-Loire, possède 48 hectares de prairie naturelle et 52 hectares de prairie temporaire dont la durée de vie oscille entre deux et trois ans et peut aller jusqu’à cinq ou six ans. Ces prairies sont valorisées par un troupeau de 70 vaches de race limousine et sa suite en système naisseur engraisseur avec un chargement adapté au potentiel agronomique des terres de 1,1 UGB/ha de SFP. 

La ferme expérimentale a porté ses recherches sur les prairies à flore variée.

« Une prairie à flore variée comporte entre cinq et six espèces, principalement des graminées et des légumineuses (deux à trois a minima), explique Julien Fortin, le directeur de la ferme expérimentale. L’idée, avec ces prairies, est de rechercher un principe de complémentarité allant de la phase d’installation à la valeur nutritive du fourrage en passant par la notion de productivité. »

Trois principaux facteurs de choix

Plusieurs facteurs influent le choix des espèces prairiales. Tout d’abord, le contexte pédoclimatique. Ensuite, la pérennité, et enfin, la notion de sociabilité des espèces. 

« Cette notion de sociabilité est difficile à quantifier, reconnaît le directeur de la ferme expérimentale. C’est en quelque sorte la capacité des espèces à coexister entre elles. Nous ne pouvons pas toujours avoir les mêmes équilibres en matière d’espèces présentes, mais nous veillons à conserver une cohérence dans le temps à l’échelle de la prairie. »

Une part importante de légumineuses

Au sein de la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou, les prairies à flore variée sont généralement semées à 26 à 29 kg/ha de fourragères (fétuque, ray-grass anglais), avec une part significative de légumineuses (trèfle blanc, trèfle hybride et lotier) qui se situe entre 8 à 9 kg/ha. « Chez nous, la part de légumineuses est importante, car nous sommes dans un contexte d’agriculture biologique. La légumineuse est notre seul moteur azoté », précise Julien Fortin

Des sols au potentiel agronomique très modeste

Ces espèces ont été choisies en fonction du contexte pédoclimatique de l’exploitation. À Thorigné-d’Anjou, les sols ont un potentiel agronomique très modeste.

« Nous sommes sur des limons sableux avec un pourcentage d’argile relativement faible (autour de 13 %), détaille Bertrand Daveau, ingénieur recherche et développement au sein de la ferme. Les sols se caractérisent également par une faible profondeur (50 cm en moyenne). »

Par ailleurs, les sols sont à tendance acide, avec des pH autour de 6,1. Ils sont hydromorphes l’hiver et séchants l’été. La pluviométrie, quant à elle, est assez limitée (675 mm de précipitation en moyenne). 

Allier productivité et robustesse

Sur les travaux menés de 2002 à 2012 au sein de la ferme expérimentale, l’objectif était de construire un mélange de prairies à flore variée afin de voir si les objectifs de productivité annuelle et de robustesse pouvaient être remplis. 
Dans ces essais, la prairie à flore variée est à base de fétuque, de ray-grass anglais (RGA), de trèfle blanc (TB), de trèfle hybride et de lotier. Elle a été comparée à la fois à une association de type RGA+TB trèfle blanc, mais aussi à d’autres types comme un RGA + fétuque + TB ou à une association fétuque, dactyle et trèfle violet. 

« Par rapport au mélange RGA+TB, nous avons remarqué que les prairies à flore variée sont nettement plus productives (1,5 Tde MS/ha/an en moyenne). Ces résultats se confirment qu'importe le contexte du sol (peu profond – environ 50 cm –, profond – 70-80 cm – , et superficiel – autour de 30 à 40 cm). Les prairies à flore variée sont également plus productives lorsqu’elles sont comparées aux deux autres types d’association », observe Bertrand Daveau.

Comparaison du rendement moyen en fonction des types de prairies (PP, P et S correspondent à la profondeur du sol). CP : ferme expérimentale Thorigné-d’Anjou.


Quid des valeurs nutritives ?

En matière de valeurs nutritives, les prairies RGA+TB ont une teneur en énergie de 0,99 UFL, et celles à flore variée de 0,92 UFL. « Ces résultats s’expliquent car nous avons une fraction de fétuque élevée qui est un peu plus importante. Cette graminée étant moins digeste que le RGA, la teneur moyenne en énergie est plus faible », reconnaît l’ingénieur. 
La teneur en matière azotée de la prairie à flore variée est aussi plus faible, avec 153 g de MAT/kg de MS contre 170 g de MAT/kg de MS pour le mélange RGA+TB. « Nous pouvons justifier cela par un effet dilution, indique Bertrand Daveau. En effet, le rendement de la prairie à flore variée est plus élevé que celui de l’association RGA+TB. » 
En revanche, avec une approche quantitative à l’échelle de l’année à la fois en productivité, en énergie et en MAT, les prairies à flore variée produisent 1000 UF supplémentaire et 130 kg de MAT de plus que les associations de RGA+TB. 

Un gain de productivité au premier cycle

Concernant le gain de productivité de la prairie, la prairie à flore variée se démarque. Sur les quatre cycles de production (avril, juin, septembre et novembre), la moitié du gain de productivité se fait sur le premier cycle (celui d’avril).

« Sur les trois cycles suivants, nous avons toujours un gain de productivité oscillant entre 15 et 20 %, observe Julien Fortin. Il nous est possible d'utiliser ces prairies exactement comme des prairies d’association RGA+TB, car nous pouvons considérer que le gain de productivité est relativement bien réparti sur l’ensemble des cycles de production. »

Répartition du gain de productivité des deux associations en fonction du cycle. CP : ferme expérimentale Thorigné-d’Anjou.


Améliorer la productivité estivale avec du plantin et de la chicorée

Actuellement, la ferme de Thorigné-d’Anjou cherche à améliorer sa productivité estivale. Elle a donc mis en place des essais incluant du plantin et de la chicorée dans la prairie à flore variée. 

« En 2016, en 2017 et en 2018, les essais ont été gérés en additifs, explique Bertrand Daveau. Nous sommes allés chercher une fonction complémentaire en incorporant 1,5 kg/ha de chicorée ou de plantin dans notre mélange de base de 27kg/ha de fétuque, de RGA, de TB, de TH et de lotier. »

Productivité de la prairie à flore variée en intégrant la chicorée et le plantin. CP : ferme expérimentale Thorigné-d’Anjou.

Cet ajout de chicorée et de plantin s’est traduit par l’augmentation de la production en été et en automne, avec plus de 2 tMS/ha sur ces périodes. En revanche, le caractère invasif de ces deux espèces, et en particulier la chicorée, a été significatif. « En effet, la chicorée a représenté assez rapidement quasiment 30 % de la biomasse en 2017 et en 2018 », explique l’ingénieur. 
Autre détail, les cycles de végétation. Ceux du plantin et de la chicorée sont beaucoup plus courts que celui de la flore classique : « Habituellement, ces cycles sont de l’ordre de quatre à cinq semaines. Pour le plantin et la chicorée, nous avons observé des cycles de végétation d'environ trois semaines, précise Bertrand Daveau. Par conséquent, ces deux espèces ont fait des remontées hâtives beaucoup plus fréquentes. Cela s’est traduit par une diminution de la valeur nutritive marquée par une baisse de la digestibilté et de la dilution de la matière azotée. Ces dernières étaient sur des moyennes de 11 % de MAT. »

Combien de temps faut-il garder sa prairie ? 

Autre paramètre étudié : la pérénnité des prairies à flore variée. En se basant sur des données concernant la valeur nutritive des foins des prairies à flore variée, deux groupes d’âge ont été comparés. Dans un premier temps, des prairies à flore variée ayant entre un et cinq ans et fauchées en moyenne au 11 juin. Dans un second temps, des prairies à flore variée ayant entre six et douze ans et possédant la même date de récolte moyenne que le premier groupe.
La première observation porte sur l’évolution du pourcentage de légumineuses. Sur les jeunes prairies, la moyenne se situe à 23 % de légumineuses. Sur les prairies vieillissantes, cette moyenne chute de manière significative pour atteindre 11 %. 

« Au niveau de la MAT et de la digestibilité de la matière organique, les chiffres sont plus élevés si les légumineuses sont davantage présentes, conclut Julien Fortin. Nous remarquons également qu’en matière d’UFL récoltée par kilogramme de matière sèche, nous sommes à 0,70 sur les prairies de moins de cinq ans et à 0,64 sur celles de plus de six ans. Par ailleurs, pour les PDI, nous passons de 56 à 40. »

Différentes valeurs nutritives en fonction de l'âge des prairies à flore variée. CP : ferme expérimentale Thorigné-d’Anjou.


Des prairies à intégrer dans la rotation

Les experts s’accordent sur le fait que les prairies à flore variée sont intéressantes pour une pérennité pouvant aller jusqu’à cinq ans. Lorsqu’elles commencent à être plus âgées, les éleveurs peuvent être confrontés à des récoltes de fourrages de moins bonne qualité.
Le but est donc d’introduire les prairies à flore variée dans les rotations. Au sein de la ferme de Thorigné-d’Anjou, c'est de cette manière que la prairie est intégrée. Elle reste en place quatre ans. Une céréale est implantée derrière elle, puis une féverole, et enfin une prairie sous couvert d’association céréales protéagineux afin d'être récoltée soit en grain, soit en ensilage. 

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