Que faire des prairies qui ont souffert de la sécheresse ?

Cette prairie très dégradée (photo prise en septembre 2022), fera l’objet d’une expérimentation d’un sursemis de grosses graines annuelles destiné à la redynamiser en profondeur. Crédit : Jean-Luc Gayet
La plupart des prairies françaises se sont transformées en paillassons dès le début de l'été 2022, obligeant les éleveurs à interrompre le pâturage. Malgré le stress intense qu'elles ont subi, beaucoup repartiront l'an prochain. Certaines le feront après un long repos, d'autres avec un petit coup de pouce, qui peut se faire à peu de frais.

« Mon pâturage 2022 s'est arrêté le 20 juin, expliquait Tony Rondeau à l'automne 2022, salarié en charge de la conduite du troupeau du Gaec du Roseau, à Chauvé (44). Avec 95 vaches, pour 14 ha accessibles, notre pâturage est intensif ; je n'ai pas voulu prendre le risque de faire du surpâturage. Comme j'avais du stock de fourrages, j'ai préféré retirer toutes mes vaches sur une parcelle parking d'un hectare, avant de les rentrer en stabulation fin septembre. Bien que les prairies fussent vertes à la fin de l'été, je sais qu'elles ont beaucoup souffert. J'ai préféré ne pas être trop gourmand et les laisser se reposer. Au printemps, dès que possible, je ferai un ensilage d'herbe sur toute la surface. Ainsi, je préserve mon pâturage pour le printemps prochain, qui sera aussi le moment de mon installation. »

Déficit de pousse d'herbe

Cette situation d'arrêt total du pâturage au mois de juin, Jean-Luc Gayet, conseiller prairies à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, l'a rencontrée souvent en 2022. Et il a constaté que beaucoup d'éleveurs étaient prudents comme Tony Rondeau, préférant préserver leur « capital prairies ». « Bien que certaines parcelles soient redevenues « vertes » en septembre, cela ne signifie pas que la densité y était suffisante. Cet automne, il y a encore un déficit de pousse de l'herbe », estime le conseiller.

L'automne ne va donc pas sauver la saison de pâturage 2022 : selon la note agroclimatique pousse de l'herbe de l'Idele, sur les huit premiers mois de l'année, la perte de production d'herbe est évaluée à plus de 30% sur le territoire français, avec des variations allant de 20 à 40% et une grande hétérogénéité, du fait de pluies hyperlocalisées.

Laisser le temps aux talles

Pourtant, bien que les prairies aient énormément souffert, elles ne sont pas mortes pour autant : « On sous-estime trop souvent leur capacité de récupération », insiste Patrice Pierre, expert en pâturage à l'Idele, lors d'une intervention en septembre dernier sur « Radio-prairies », un podcast à écouter sur YouTube. Jean-Luc Gayet partage son avis : « Les prairies réservent souvent de bonnes surprises. Dans certaines parcelles, où l'on croyait que le ray-grass anglais (RGA) avait disparu, on le voit réapparaître à l'automne. Les sols sont encore chauds, il fait humide et doux, il y a de la lumière et les bouses n'ont pas été dégradées. Il faut laisser le temps aux talles de se développer et éviter de restresser le RGA avec du pâturage. Ainsi, un regarnissage est possible. »

Le sursemis d'annuelles pour dynamiser la prairie

Si la prairie semble trop dégradée pour se regarnir toute seule, avec plus de 30% de la surface de « trous » végétatifs ou non fourragers, Jean-Luc Gayet suggère une « proposition technique à l'économie » pour lui donner un coup de fouet : un sursemis de grosses graines, type « méteil », début octobre. « La technique est expérimentée avec succès dans le Cantal, raconte-t-il. Sur des prairies très dégradées par les rats taupiers, ils réussissent à récupérer des prairies très dynamiques au printemps suivant. »

Le principe est de semer dans la prairie, avec un semoir de type « semis direct », les grosses graines annuelles dont dispose l'éleveur : avoine, triticale, seigle, féverole, vesce« Le passage du semoir provoque une aération superficielle du sol. Ensuite, les céréales vont développer leurs racines en profondeur et contribuer à aérer le sol durant l'hiver. Au printemps, elles constituent un couvert qui peut être fauché, souvent en ensilage. Et comme ce sont des espèces à vie courte, leurs racines vont se décomposer et dégager des nutriments disponibles pour les espèces prairiales et pour le fonctionnement du sol », précise-t-il.


Essais en cours

Des essais de cette technique sont en cours en Pays de la Loire, sur la période 2021 à 2023, dans des fermes expérimentales et chez des éleveurs, avec différents mélanges, à des densités allant de 120 à 250 grains/m2. Le premier test de l'automne 2021 n'a pas donné satisfaction, puisque le couvert a subi trop de concurrence des espèces prairiales. Jean-Luc Gayet indique : « Dans le Cantal, cela fonctionne bien, car avec le gel hivernal, la prairie est à l'arrêt. Cette année, nous avons réalisé un semis plus précoce, avant le 10 octobre. » Il est possible aussi d’intégrer des semences prairiales en un seul passage si le semoir dispose de deux trémies.

Si la mortalité des espèces prairiales semble très élevée, une rénovation complète de la prairie peut être envisagée. Toutefois, le conseiller rappelle que celle-ci peut se faire au printemps, « si la parcelle n'est pas hydromorphe. On peut attendre de passer l'hiver avant de prendre cette décision, et, ainsi, laisser sa chance à la prairie ».

Catherine Perrot



Cet article est issu du numéro de novembre-décembre 2022 de Cultivar élevage, et vous est offert pour vous faire découvrir le magazine. Pour vous abonner, cliquez-ici.

 

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