Une détérioration du prix du lait est à craindre

Aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle période délicate pour la filière laitière française et européenne. CP : C.Helsly/Cniel.
Dans son point d’étape hebdomadaire, l'Institut de l’élevage est revenu cette semaine sur les conséquences de la pandémie du Covid-19 sur la filière laitière. 
 
En guise de préambule, l’Idele a rappelé le contexte actuel : « Le confinement se traduit par la fermeture de la RHD. Ce pan important de l’économie alimentaire se retrouve donc fermé, et les ménages reportent leurs achats sur les autres circuits de distribution. Par conséquent, ces transactions sont à la hausse dans toutes les familles de produits. Pour la crémerie, sur la période des semaines 9 à 12, c’est-à-dire de la dernière semaine de février aux trois premières de mars, une hausse des achats des ménages de 22 % est observée, d’après l’indicateur Iri

Les consommateurs se tournent vers les produits basiques

Les attitudes des consommateurs – davantage tournés vers des produits basiques (comme le lait conditionné), délaissant les produits à la coupe – ont modifié les chaînes d’approvisionnement. Ces comportements d’excès de prudence ont eu des effets en valeur et en volume sur les produits achetés. 
Aujourd’hui, nous n'avons que peu de détails sur la nature des produits consommés. L’Idele sait déjà que les laits conditionnés le sont beaucoup plus, tout comme le beurre et la crème. Au rayon des yaourts, les « basiques » sont préférés au détriment de ceux plus élaborés. Concernant les fromages, ceux à haute valeur ajoutée et vendus à la coupe sont plutôt délaissés. A contrario, les fromages industriels sont privilégiés.

Une préférence pour l’approvisionnement national 

Du côté du secteur agroalimentaire, certains grands opérateurs-transformateurs remarquent un effondrement des ventes à la RHD, avec des estimations allant jusqu'à - 85 %. Les ventes des entreprises laitières aux entreprises agroalimentaires sont aussi en recul, autour de 25 % d’après les opérateurs. 

« Concernant les exportations, la part du lait français transformé en produits exportés est importante, rappelle Gérard You, responsable du service économie des filières de l’Institut de l’élevage. Or, il se trouve que les transformateurs exportent des produits de grande consommation vers les pays voisins. Cependant, ces derniers– comme la France – ont tendance à privilégier l’approvisionnement national. Des reculs des commandes sont donc observés. »

Les exportations de produits laitiers et de poudre infantile vers les pays tiers sont, quant à elles, toujours assurées. En revanche, les commandes sont actuellement inexistantes, sauf pour certains acheteurs qui sont prêts à acheter à des prix inférieurs au marché actuel.

Les laiteries touchées différemment 

Ces bouleversements dans les circuits de commercialisation ont des impacts variés en fonction des laiteries : 

« Aujourd’hui, les petites laiteries spécialisées en produits de grande consommation et orientés vers la RHD sont les premières pénalisées, indique Gérard You. Celles qui fabriquent des fromages de chèvre sous signe AOP subissent des baisses considérables de leurs ventes. La situation est semblable pour les producteurs fermiers de lait de chèvre, qui sont directement touchés par la fermeture des marchés et des rayons à la coupe en fonction des régions. »

L’Idele remarque que les opérateurs spécialisés dans les laits conditionnés sont plutôt avantagés grâce à la forte demande. Les groupes laitiers de dimensions régionale et internationale présents sur tous les marchés sont impactés de manière différente. Ils possèdent un panel de produits et de débouchés qui les aident à supporter les chocs et à s’adapter. 

« Les coopératives de collecte peuvent être plus ou moins exposées en fonction des contrats. La part du lait vendue est importante sur les marchés Spot. Si elles ont un nombre conséquent de contrats comprenant des durées longues, elles sont bien couvertes, précise Gérard You. À l’inverse, si 20 à 30 % du lait sont vendus à la semaine au marché Spot, le tableau se noircit. En effet, aujourd'hui, le prix échangé sur le marché est à moins de 200 € les 1000 litres en France. »

Une collecte de lait modulée

Dans ce contexte, toutes les laiteries demandent à leurs livreurs de modérer les livraisons printanières. Certaines mettent en place des malus, des baisses de prix en avril-mai-juin avec des perspectives de hausse cet été. 
D’un autre côté, certaines appellations ont décidé de limiter la production et la transformation de fromages AOP. En comté, par exemple, ce printemps, l’objectif est de réduire de 8 % la livraison et la transformation de fromages. L’objectif étant d’éviter de constituer des stocks qui pourraient, à terme, dévaloriser les stocks déjà présents et amoindrir la valorisation du lait. 
Par ailleurs, le Cniel adopte un dispositif incitatif de réduction des livraisons d’avril sous réserve de l’accord de la Commission européenne, en mettant sur la table une enveloppe de dix millions d’euros. Cette démarche a pour but d'inciter les éleveurs à réduire de 2 à 5 % leurs livraisons de printemps moyennant une compensation d'environ 320 €/1000 litres.  

Une collecte française en hausse

Concernant la collecte française, elle est en ce moment stimulée par une pousse de l’herbe précoce et par une mise au pâturage favorable, permettant un dynamisme très fort. 

« Globalement, depuis le début de l’année, tous les pays européens sont en évolution positive. Cette situation est préoccupante, observe Gérard You. Au niveau européen, la croissance est de 1 % sur les mois de janvier et de février. L’Union européenne produit plus (+ 153 000 t), les États-Unis (+ 78 000 t) sont aussi en croissance depuis le début de l’année, tout comme l’Argentine (+ 43 000 t) et l’Australie (+3 000 t). »

Tous ces pays vont produire plus, et ce volume supplémentaire devra trouver des débouchés extérieurs, ce qui pourrait être problématique, puisqu’au sein de l’Union européenne, un maintien et/ou une légère érosion de la consommation sont attendus.

Les prix sont en baisse

Et les prix, dans tout ça ? Le prix du lait valorisé en beurre/poudre a fortement baissé depuis le début de l’année. En l’espace d’un mois, une diminution de 50 €/1000 l est observée. En France, il est d'environ 270 €/1000 l. Par ailleurs, si le cours de la poudre de lait maigre continue de baisser, il pourrait tomber encore plus bas, comme en 2015, aux alentours de 170 €/ 1000 l.

« Dans les prochains mois, nous pouvons nous attendre à une baisse du prix du lait, affirme Gérard You. Un certain nombre de laiteries ont déjà annoncé des baisses de prix du lait de 20 à 30 € dans les prochains mois. Pour le moment, des raisons de saisonnalité sont évoquées, mais la question est de savoir si cet été, les éleveurs vont retrouver ou non ce qu’ils vont perdre dans ces baisses de prix. Nous craignons une détérioration du prix du lait. Cependant, plus la filière arrivera à contenir la production dans cette phase de hausse saisonnière et moins les volumes pèseront sur les marchés, d’où l’enjeu de réussir la mise en œuvre de ce dispositif de modération momentané de la collecte laitière. »

Une nouvelle période délicate pour la filière laitière

En revanche, si la conjoncture continue de se dégrader, l’Idele pense que les autorités françaises vont solliciter les autorités européennes pour réactiver un dispositif incitatif de modération de ralentissement de la production laitière au niveau européen. 

« Pour le moment, nous ne connaissons pas la durée du confinement ni son impact sur les différentes économies. Nous voyons qu'il n'y aura que peu ou pas de croissance dans un certain nombre de pays, entraînant une baisse de pouvoir d’achat pour acheter des produits laitiers au prix auquel ils étaient vendus l’an dernier, indique Gérard You. Il ne faut pas se faire d’illusion sur la possibilité de maintenir les cours au niveau où ils étaient en 2019. Aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle période délicate pour la filière laitière française et européenne. »

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