Les méthaniseurs français en défaut de rentabilité

94 % des méthaniseurs en service avant 2014 ont subi des aléas. Photo : M. Lecourtier/Pixel image

En février 2015, le Cabinet E-Cube Strategy Consultants était mandaté pour réaliser un état des lieux objectif de la filière biogaz en France, afin que les acteurs de la filière soient en mesure de hiérarchiser les actions pour consolider son essor.

La majorité de l’étude porte sur 54 sites de méthanisation dont :

  • 44 sites agricoles qui représentent 40 % des sites à la ferme en service en 2013;
  • 10 sites territoriaux, soit 100 % de ceux fonctionnant en 2013.

Le Cabinet E-Cube Strategy Consultants précise :

Cette étude n’avait pas vocation à mettre en exergue les points positifs. En effet, le Comité de pilotage a souhaité que l’analyse se concentre essentiellement sur les difficultés rencontrées en identifiant les causes principales.

Du matériel souvent inadapté

La France a fait le choix d’une filière traitant en priorité des déchets et des sous-produits, avec pour corollaire une très grande diversité d’intrants alimentant les unités. Cela rend la méthanisation complexe et nécessite une phase d'apprentissage des différents acteurs et surtout des porteurs de projet.

Toute installation est sujette à défaillance, mais en ce qui concerne les méthaniseurs en service avant 2014, 94 % des sites ont subi des aléas. 32 types d’aléas ont été relevés dans l’étude et classés en trois catégories :

  • surcoûts à l’investissement (stockage, génie civil, traitement du digestat, mise en conformité, etc.);
  • surcoûts opérationnels (temps passé supplémentaire, frais de maintenance, etc.);
  • revenus inférieurs aux prévisionnels (recettes d’électricité, redevances déchets, etc.).

Trois difficultés techniques ont été pointées du doigt pour expliquer ces aléas :

  • les pannes et dysfonctionnements du procédé de méthanisation ont été cités dans plus de 44 % des installations. Il s’agit sur 13 sites de matériel inadapté aux substrats introduits. L’étude signale comme principales explications une fragilité du procédé infiniment mélangé standard au regard des matières traitées et notamment les indésirables dans le fumier et la variabilité de la ration dû à des déchets externes qui ont un impact sur la biologie du méthaniseur. 11 sites ont cité des problèmes de conception de l’installation;
  • les pannes/arrêts de cogénération ont été évoqués dans plus de 31 % des sites. Il s’agit dans 17 % des cas de microcoupures du réseau électrique induisant un désaccouplement du moteur, donc un arrêt de fonctionnement et une moindre production. La fiabilité du matériel est un problème pour 11 % des sites du panel et le manque de maintenance préventive arrive ensuite avec 9 % des sites de méthanisation qui l’ont évoqué;
  • les difficultés d’approvisionnement en intrants complémentaires concernent 16 sites. Les trois causes citées pour les expliquer sont la concurrence dans les pays limitrophes, la concurrence de nouvelles unités de méthanisation construites et d’autres empêchements comme l’absence de substrat à proximité, des prix trop élevés ou le manque de l’agrément sanitaire devenu indispensable.

Des rentabilités encore difficiles

Au-delà de ces aléas de fonctionnement, il faut également noter des écarts parfois conséquents entre les business plan et le montant réel des investissements. Seulement 11 % des sondés affichent une rentabilité supérieure à celle prévue, 19 % une rentabilité conforme et 65 % une rentabilité en deçà de celle initialement calculée.

La première des raisons évoquées pour expliquer ce différentiel de rentabilité est bien évidemment les soucis techniques listés plus haut qui impliquent un temps de fonctionnement inférieur aux prévisions qui induit donc un chiffre d’affaires plus faible. Les deux autres raisons citées respectivement par 14 et 12 sites sont les revenus issus des redevances déchets et les revenus issus de la valorisation de la chaleur inférieurs aux prévisions. Selon les retours des sondés, la redevance pour traitement de déchets extérieurs affiche une baisse de 20 à 90 % du prix à la tonne par rapport au prévisionnel selon les sites.

L’étude souligne toutefois qu’une adaptation est en cours grâce aux premiers retours d’expérience. Ceux-ci ont permis de préciser l’économie réelle des projets. Cependant, les investissements et charges d’exploitation prévisionnelles ont évolué à la hausse. Cela s’explique par :

  • des sites plus équipés (engendrant une hausse des coûts d’investissements) pour répondre à des d’intrants de nature hétérogène, avec un fort taux d’indésirables, et potentiellement variables dans le temps;
  • des provisions adéquates pour mieux prendre en compte les casses matérielles ou les interruptions.

L’étude stipule pour finir :

À court terme, le faible volume des projets actuellement développés ne permet pas d’envisager d’économies d’échelle. De plus, un projet sur trois a été déclaré bloqué lors de l’étude principalement pour des raisons de manque de rentabilité et/ou de financement et/ou d’acceptabilité sociale.

Pour aller plus loin :
La synthèse de l'étude menée par le Cabinet E-Cube Strategy Consultants
L'intégralité des résultats de l'étude

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