Dans le Sud-Ouest de la France, deux épidémies qui affectent les bovins progressent : la maladie hémorragique épizootique et la fièvre catarrhale ovine. Aujourd’hui, les zones touchées fusionnent. D’après Emmanuel Garin, vétérinaire épidémiologiste de GDS France, cette situation n’a encore jamais été observée au niveau mondial.
«La maladie hémorragique épizootique et la fièvre catarrhale ovine sont deux maladies biologiquement similaires», rappelle Emmanuel Garin, vétérinaire épidémiologiste de GDS France. À l’occasion d’un webinaire organisé par l’Unité mixte technologique pilotage de la santé des ruminants, le 15 novembre 2023, cet expert a fait le point sur la situation sanitaire en France.
Ces deux maladies saisonnières sont causées par des virus très similaires transmis par des moucherons piqueurs culicoïdes. Elles peuvent également être véhiculées par les aiguilles. La propagation de ces épidémies par le vecteur est estimée à 15km par semaine. Au-delà de cette distance, c’est le mouvement des animaux qui en est responsable.
La MHE progresse dans le Sud-Ouest
Le virus de la maladie hémorragique épizootique (MHE) sérotype 8 est arrivée en France fin septembre 2023. Cette maladie affecte principalement les bovins.
Les ovins, les caprins et les camélidés eux aussi peuvent être infectés. Contrairement aux bovins, ces espèces ne développent pas de symptômes. L’impact sur les cervidés européens quant à lui reste méconnu.
Emmanuel Garin rapporte qu’à l’heure actuelle, il n’existe pas de vaccin disponible. Ce vétérinaire s’appuie sur des données du 9 novembre 2023 pour dresser le bilan provisoire de la situation. À cette date, la France comptait 2954 foyers confirmés, localisés principalement dans le Sud-Ouest.
«Les premières remontées de terrain semblent indiquer qu’au sein d’une zone touchée, au moins un troupeau sur deux est atteint, précise-t-il. Au sein d’un élevage, le taux d’adultes atteints varie de 1% à 100%.»
Cet expert ne s’est pas exprimé au sujet du taux de létalité, cependant plusieurs élevages recensent des cas de mortalité, y compris chez les adultes.
Quid des mouvements d'animaux dans les zones atteintes par la MHE ?
Au titre de la réglementation européenne, la MHE est classée en catégories D et E. Ce classement entraîne des restrictions aux mouvements pour tous les élevages situés dans un rayon de 150km autour d’un foyer.
Les bovins, les ovins, les caprins et les cervidés ne sont pas autorisés à sortir de cette zone.
Il existe cependant des cas dérogatoires :
- retour d’estive ;
- sortie vers un abattoir avec un abattage dans les 24h qui suivent l’arrivée ;
- sortie possible pour autres motifs après application de désinsectisation efficace contre les culicoïdes 14 jours au moins avant la réalisation d’une PCR, avec un départ prévu dans les 14 jours.
FCO sérotype 8 : une nouvelle souche détectée en septembre 2023
La fièvre catarrhale ovine sérotype 8, quant à elle, est présente en France depuis 2015. Pourtant depuis l’émergence d’une nouvelle souche BTV 8 en septembre 2023, la situation a changé :
«C’est presque comme si on assistait à la naissance d’une nouvelle maladie, explique Emmanuel Garin. La vaccination reste la recommandation principale. À ce jour, quelques centaines de milliers de doses sont disponibles.»
Depuis, les premiers cas détectés en août 2023 dans le Massif central, l’épidémie a progressé. Les données les plus récentes indiquent 1500 foyers répartis dans 20 départements.
«Dans un troupeau d’ovins, on estime que le nombre d’animaux atteints peut s’élever jusqu’à 40%, et 60% pour les bovins, affirme le vétérinaire de GDS France. Des cas de mortalité chez les bovins et les ovins sont également décrit, y compris chez les adultes.»
La déclaration des suspicions et des cas cliniques est obligatoire.
Recommandations pour le mouvement des animaux
D’un point de vue réglementaire, la France continentale n’est pas indemne de FCO sérotypes 4 et 8. Cette maladie est classée sans programme d’éradication.
En revanche, plusieurs organismes, dont GDS France, ont émis des recommandations pour le mouvement des animaux dans les zones touchées :
- limiter le mouvement des animaux ;
- désinfecter au moins 14 jours avant de réaliser une PCR dont le résultat doit être négatif ;
- expédier les animaux au plus vite après la réception des résultats d’analyse.
Un risque de co-infection
Malgré les recommandations et les restrictions, ces deux épidémies progressent. Des données du 16 novembre 2023 montrent que huit départements du Sud-Ouest sont actuellement concernés par des foyers conjoints de MHE sérotype 8 et de FCO sérotype 8.
Entre ces deux virus, aucune combinaison possible, insiste Emmanuel Garin :
«Ce qui veut dire que l’on n’observe pas d’immunité croisée chez les animaux infectés. Des troupeaux peuvent donc être infectés par la MHE et par la FCO. Au niveau mondial, des zones où évoluent conjointement ces deux épidémies n’ont encore jamais été observées. C’est une première.»
De plus, dans les troupeaux atteints par la MHE, on observe des vagues d’infection entrecoupées de périodes d’accalmie.
«Cela ne va pas faciliter la mise en évidence d’une co-infection», prévient le vétérinaire de GDS France.
GDS France a mis à disposition des ressources destinées aux éleveurs sur son site : un protocole de désinsectisation, une fiche reprenant les signes cliniques de la MHE, la liste des produits de désinsectisation utilisables, et d'autres encore.
