Agri-bashing : le projet Entr’Actes souhaite recréer du lien entre élevage et société

Devant la remise en question de l’élevage, l’Idele cherche comment mieux aider les producteurs à renouer des liens avec la société civile. Une étude sociologique dresse quatre portraits qui serviront de base pour mettre en place des actions de formation et d’accompagnement sur le terrain.

Mal compris, mal aimés, les éleveurs souffrent aujourd’hui d’un décalage croissant avec le reste de la société. Pourtant ce n’est pas une fatalité. L’Idele a lancé une étude pour mieux appréhender la controverse autour de l’élevage : le projet Entr’Actes.

80 entretiens ont été menés dans trois régions : Bretagne, Pays de la Loire et Centre-Val de Loire. Cette étude doit faire exprimer, d’un point de vue sociologique, les représentations sur le métier d’éleveur et la manière dont les changements sont vécus. Il s’agit ensuite d’accompagner les professionnels pour mieux intégrer les enjeux sociétaux dans leurs pratiques, mais aussi recréer du lien entre l’élevage et le reste de la société.

Enfin, l’étude débouchera sur des outils à disposition des conseillers et techniciens pour accompagner ces changements. En revanche, l’étude ne propose pas d’entrée par filière, la question est traitée de manière transversale à toute l’agriculture.

Contact avec les animaux, la nature, les clients

Pour l’instant, le projet n’en est qu’à ses débuts. Une première étape identifie ce qui fait sens chez les éleveurs dans leur métier, mais également leur réaction au jugement public. Ce dernier occasionne souvent un sentiment de colère, de tristesse, de démotivation. Cela fragilise l’identité même des professionnels.

Ce qui motive les éleveurs en général, c’est en premier lieu le contact avec les animaux et la nature. Certaines tâches en particulier sont plébiscitées : gestion de troupeau, traite ou le fait de façonner le paysage.

« Je viens le matin de bonne humeur au boulot, ramasser mes œufs, passer du temps avec mes poules. Ça me va ! », exprime un témoin dans le cadre de l’étude.

Pour ceux qui pratiquent la vente directe, les relations humaines sont aussi souvent citées. Cela renforce l’impression des éleveurs d’être utiles à la société. De plus, ils aiment la richesse, la technicité et la diversité du métier. Enfin, ils considèrent important d’être leur propre patron.

Charge mentale permanente

Les premières difficultés évoquées sont le volume et les conditions de travail : la charge mentale permanente, l’équilibre entre vie privée et professionnelle sont régulièrement cités. Viennent ensuite l’imprévisibilité, mais surtout le poids de l’administratif et des réglementations, trop importants et répétitifs.

La sécurité financière est aussi très évoquée, très liée dans les enquêtes à l’avenir incertain de l’agriculture en général.

« Ils essaient de détruire les petits pour laisser la place aux gros », déclare un autre témoin.

Les enquêteurs ont ensuite posé des questions sur la manière dont les agriculteurs percevaient les attentes sociétales.

Au départ surtout agacés par les industriels et les médias, ceux-ci s’ouvrent dans un second temps pour dénoncer un brouillard où se mêlent contradictions et inquiétudes :

« La plus grande difficulté qu’il y a aujourd’hui, c’est surtout le problème d’être tout le temps dénigré. C’est ce qui me pèse énormément », s'est confié l'un des éleveurs lors d'un entretien.

Quatre profils pour comprendre

Malgré une grande diversité d’attitudes, l’étude met en lumière quatre profils d’éleveurs selon leur proximité idéologique ou selon leur implication avec les changements sociétaux.

Les premiers, appelés « commerçants contraints », vendent en direct et sont installés depuis plus de 20 ans. Ces passionnés du métier déplorent la dégradation de leurs conditions de travail : 

« Il faut tout le temps, tout le temps penser à tout. Tout le temps ! Et c'est ça qui est fatiguant et qui est usant. L'élevage, c'est lourd pour ça. »

Ils aiment la relation avec les consommateurs, mais pensent que c’est à eux de payer davantage pour les services que l’agriculture rend à la société. Ils sont par ailleurs peu impliqués dans des groupes, agricoles ou non. Ils sont peu enclins au changements, ayant surtout en tête la transmission.

Le groupe des « animaliers communicants » se montre très agacé et critique des attentes sociétales, il souffre d’un manque de reconnaissance :

« C’est nous qui entretenons les prairies, c’est nous qui entretenons le paysage, c’est nous qui entretenons tout et c’est encore nous qui faisons mal ! », a déclaré l'un des témoins.

Installés depuis plus de dix ans, ils sont surtout passionnés par le travail auprès des animaux. Ils aiment communiquer sur leur modèle, plutôt conventionnel. Ils ont des projets à l’échelle de l’exploitation, mais sont freinés par l’aspect financier.

Un troisième groupe est dénommé « paysans citoyens ». Jeunes, passionnés par la nature et les animaux, ils souhaitent équilibrer vie privée et vie professionnelle. Ce sont des éleveurs citoyens, qui occupent de multiples postes dans des bureaux à l’échelle locale et agricoles. Globalement en phase avec les attentes sociétales, ils aiment communiquer sur leurs valeurs :

« Il faut arrêter de croire que l’élevage et la société sont deux choses différentes. Les paysans font partie de la société », s'exprime l'un d'entre eux.

Ils tentent de mettre en place des pratiques innovantes, l’important étant de démontrer la force de leurs convictions avant les retombées économiques.

D’autres actions en 2024

Les « entrepreneurs flexibles » enfin, sont passionnés par la technique, par l’optimisation de leur système. Installés depuis 10 à 30 ans, surtout en circuits longs, ils sont très investis dans les institutions professionnelles.

Ils pensent qu’il y a un problème de communication de la part du monde agricole, à l’origine de la méconnaissance du métier dans la société. Le changement ne leur fait pas peur, ils font d’ailleurs constamment des essais pour s’adapter. Pour eux, « la ferme, il faut que ça bouge, c’est juste un outil ».

Tout ce travail montre que les techniciens et conseillers devront faire la part des choses entre ceux qui partagent, ceux qui expliquent et ceux qui contestent. Les programmes de formations et d’accompagnement sur le terrain seront adaptés en fonction de ces typologies : l’idée générale restant d’accompagner un changement volontaire et progressif et d’éviter de se le voir imposé brutalement. Le projet se poursuit et d’autres actions seront mises en place dans les prochains mois.

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