Un intérêt croissant pour les exosquelettes dans les vignes

Reportage test d'exosquelette au Château Lagrange

Crédit photo DR
L'intérêt des vignerons pour les exosquelettes progresse. De leur côté, les fabricants de dispositifs d'assistance physique découvrent dans la filière un marché émergent avec un bon potentiel de développement. Pour accélérer la diffusion des exosquelettes, tous travaillent sur leurs tarifs et l'ergonomie de leurs harnais.

Dans les vignes, ils ne sont encore qu'une poignée à en être équipés. Mais la curiosité des viticulteurs pour les exosquelettes s'éveille. En témoigne Béatrice Dalzovo, fondatrice d'HBR Innovation, un cabinet de conseil spécialisé dans l'intégration des exosquelettes en entreprise et distributrice des dispositifs de la marque Auxivo : « Cette année, un plus grand nombre de propriétés viticoles m'a sollicitée. Certaines ont investi dans quelques unités. Les exosquelettes sont alors testés par les différents membres des équipes. En parallèle, je suis sollicitée par des organisations collectives pour faire des démonstrations. Au Sitevi, beaucoup de visiteurs sont venus endosser les exosquelettes Auxivo. La phase de découverte se poursuit. »

Au Château Lagrange, un domaine de 140 hectares dans le Médoc, pionnier dans l'utilisation des exosquelettes passifs, on commence à s'approprier la technologie. Après une année complète de recul, des salariés sont équipés de leurs propres harnais de posture. Et de nouveaux exosquelettes devaient rejoindre ceux acquis en 2021. « Quatre exosquelettes Lift Suit d'Auxivo, précise Benjamin Vimal, directeur adjoint du château bordelais. Cet exosquelette, conçu pour soulager les muscles du dos, est utilisé dans les vignes du château pour la taille, le calage, le pliage et l'épamprage. Pour le relevage, des muscles différents sont sollicités : cet exosquelette n'est donc pas adapté. En revanche, il serait intéressant de l'éprouver sur l'effeuillage et les vendanges manuelles. »

Cette année, sept salariés viticoles permanents seront équipés, « toujours sur la base du volontariat, indique Benjamin Vimal. En deux ans, un quart du personnel a adopté l'équipement, jugé utile pour limiter les douleurs, facile à régler et à enfiler ». Et avec un prix autour de 850 euros HT, le harnais de posture Lift Suit se positionne comme l'un des dispositifs les plus accessibles de ce marché naissant. « On ne se précipite pas, mais si les équipes en font la demande, nous accompagnerons la dynamique. »

Une étude de la MSA Gironde est en cours

Sollicitée par des domaines et des entreprises de prestations de services décrites par les exosquelettes, la MSA Gironde se mobilise.

Un groupe de travail a vu le jour. Et cette année, l'organisme mutualiste va tester différents modèles d'exosquelettes dans les entreprises, notamment chez Banton et Lauret. « De notre côté, nous avions testé l'exosquelette Hapo d'Ergo Santé pour la taille et l'épamprage en 2021. Les retours des utilisateurs sur deux jours d'expérience étaient bons, mais nous n'avons pas sauté le pas de l'achat, indique Sophie Lauret, co-dirigeante de la société de prestations Banton et Lauret.

« L'étude MSA, qui prendra fin en juin 2022, devrait nous permettre de répondre à des questions qui nous semblent importantes d'éclaircir avant d'équiper nos salariés. Dans quelles conditions d'usages les harnais de maintien sont-ils bénéfiques à la santé de nos équipes ? Existent-ils des effets de bords négatifs pour les utilisateurs et l'entreprise ? Par exemple une mauvaise compensation musculaire ou une diminution de la cadence de travail. Sont-ils recommandés pour tous ? Et est-ce que la MSA fournira une aide financière?»

Une possibilité très attendue, qui pourrait par exemple s'intégrer à l'aide financière simplifiée (AFS). Le dispositif permet de financer des projets d'amélioration des conditions de travail à hauteur de 50 %.

Connaissez-vous le Repozdos ?

Freddy Meuneveaux, vigneron en Bourgogne,  utilise un Repozdos depuis quatre ans.
Freddy Meuneveaux, vigneron en Bourgogne, utilise un Repozdos depuis quatre ans.
Crédit photo : DR

De prime abord dans le secteur viticole, les exosquelettes apparaissent comme une technologie récente. Pourtant, le mal de dos étant vieux comme le monde, des vignerons aussi ont eu leurs idées pour soulager leur corps. C'est ainsi que Jean-Luc Brochet, viticulteur champenois près de Reims, a conçu un exosquelette. Dès 2010, un brevet a été déposé. Les principes déployés dans le Compensateur Dorsal, ou Repozdos, sont les mêmes que ceux retrouvés dans les exosquelettes d'Auxivo, d'Ergo Santé ou de RB3D.

« À l'arrière de l'équipement, une série d'élastiques tend à redresser l'appareil et son utilisateur, explique l'inventeur. Ils s'allongent quand l'utilisateur se baisse, et ils subissent comme un contrepoids en l'aidant à se relever. Le buste est soutenu au niveau des épaules par des sangles, qui soulagent ainsi la colonne vertébrale. Le poids du buste est transféré sur les genoux, offrant une force d'appui sur le fessier. »

Le Repozdos est un compensateur dorsal inventé par un vigneron champenois. Développé dans les années 2000, il est utilisé par quelques vignerons.
Le Repozdos est un compensateur dorsal inventé par un vigneron champenois. Développé dans les années 2000, il est utilisé par quelques vignerons.
Crédit photo : DR

Freddy Meuneveaux, vigneron propriétaire d'un domaine éponyme à Aloxe-Corton, en Bourgogne, utilise le Repozdos depuis quatre ans. « Dans mes vignes établies à 40 cm du sol, où chaque pied est espacé d'un mètre, je suis toujours penché. À 33 ans, j'avais déjà mal au dos. Pour me soulager, dans les parcelles de coteaux, je taillais uniquement en montant. Descendre les rangs à pied me donne un répit… mais me faisait perdre du temps. J'ai entendu parler du Repozdos de Jean-Luc Brochet, l'ai testé et adopté ! »

Freddy Meuneveaux l'utilise pour la taille et tous les travaux en vert. « Je l'ai acheté 1.000 euros, et les tendeurs élastiques sont d'origine. C'est un équipement amortissable. Son seul défaut est son poids : 7 kg. La structure est en alu. C'est robuste mais lourd. Aussi, l'esthétique est surprenante ! Mais finalement je n'ai plus mal au dos. Et c'est ça l'essentiel. »

Curieux de l'arrivée de nouvelles solutions, Freddy Meuneveaux a testé les deux versions de l'exosquelette passif de RB3D et souhaiterait faire un essai de Lift Suit d'Auxivo. « En comparaison, le Repozdos n'a pas à rougir », affirme-t-il.

Et dans les chais, des exosquelettes ?

L'introduction d'exosquelettes pour assister les opérateurs dans les travaux viticoles est, on l'a compris, encore balbutiante. Dans les chais, le phénomène est encore plus confidentiel.

Pourtant, des domaines s'intéressent aux équipements qui pourraient être adaptés aux divers postes de travail en cave. C'est le cas au Château Lagrange. « En 2020, nous avions testé plusieurs équipements d'assistance : motorisés et passifs. La ceinture Paexo Soft Back d'Ergo Santé a été particulièrement appréciée par les cavistes. Nous en avons acheté une. Cette année, quatre des six cavistes souhaitent en porter », indique Benjamin Vimal. À la limite de la catégorie exosquelette, l'équipement permet d'adopter une posture bien droite et d'éviter les faux mouvements, d'après le fabricant.

Le Paexo Soft Back d’Ergo Santé est un exosquelette dédié aux opérateurs qui restent debout pour travailler. Cet équipement ceinture et maintient la colonne vertébrale afin d’assurer un soutien lombaire. Photo : Ergo Santé
Le Paexo Soft Back d’Ergo Santé est un exosquelette dédié aux opérateurs qui restent debout pour travailler. Cet équipement ceinture et maintient la colonne vertébrale afin d’assurer un soutien lombaire.
Crédit photo : Ergo Santé

Pour la ligne d'embouteillage, le château a testé le modèle motorisé IP12 modèle Skelex de la société Gobio. Cet ergosquelette (comme le nomme Gobio) apporte de l'assistance pour les travaux réalisés avec les bras tendus face à soi, en hauteur ou au-dessus de la tête. « C’est un investissement, pourtant la direction du château serait prête à le réaliser pour réduire la pénibilité et les éventuelles TMS. Mais l’équipe n’est pas prête à se lancer. L’adhésion n’est pas encore au rendez-vous. La philosophie du Château Lagrange étant de travailler sur la base du volontariat, nous allons continuer notre veille technologique et testerons d’autres équipements. Si les expérimentations sont concluantes pour les utilisateurs, alors le Château Lagrange s’équipera », conclut Benjamin Vimal.

Qui sera le leader des exosquelettes viticoles

Pour conquérir les utilisateurs de la filière vitivinicole, certains fabricants d'exosquelettes se mobilisent. C'est le cas de RB3D, pour lequel 2022 est une année riche de défis. L'entreprise auxerroise qui avait débuté l'aventure viticole avec un exosquelette actif concentre désormais ses efforts sur un nouveau prototype d'exosquelette passif, capable de compenser le poids du buste. « Ce produit est pensé pour les filières agri et viti, indique Olivier Baudet, le directeur commercial de la société. Nous visons un poids inférieur à 2 kg, une meilleure ergonomie et un prix final inférieur à celui de notre première version. »

L'entreprise suisse Auxivo n'est pas en reste sur son développement en viticulture. « C'est un marché de niche par rapport aux secteurs de la logistique et de la manutention, mais Auxivo souhaite se positionner dès à présent comme l'équipementier leader, annonce Oscar Fernandez, responsable commercial France de l'entreprise suisse. Pour cela, nous développons notre réseau de distribution sur le territoire. Des partenariats majeurs sont en cours de négociation. Aussi, nous améliorons nos produits. Sur le Lift Suit, l'exosquelette passif d'Auxivo le plus adapté aux travaux viticoles, les équipes R&D ont travaillé sur une nouvelle version. Grâce aux accumulateurs d'énergie élastiques du dispositif, il apporte toujours jusqu'à 10 kg d'assistance. Cela signifie qu'un opérateur équipé dont le buste pèse 40 kg relèvera 30 kg par sa force musculaire. Si les performances sont maintenues, le design est changé. Les efforts se sont portés notamment sur les parties textiles. Elles ont été revues pour limiter la transpiration. Deux tailles seront également proposées, l'une particulièrement adaptée au petit gabarit. »

Disponible depuis février 2022, la nouvelle version de Lift Suit sera d'environ 10 % plus chère.

 

Bon à savoir

Info + : Vous pouvez relire notre enquête « Les exosquelettes sont aussi présents dans les vignes » parue en mai 2021 et désormais en ligne sur www.mon-viti.com.

Prix. L'exosquelette passif Lift Suit d'Auxivo est proposé aux alentours de 900 euros HT par les distributeurs de la marque. Les élastiques qui permettent d'assister les efforts musculaires des utilisateurs sont des consommables. La paire coûte 79 euros HT, à changer tous les ans selon les préconisations d'Auxivo.

Actif ou passif ? Un exosquelette est un système revêtu par l'usager visant à lui apporter une assistance physique dans l'exécution d'une tâche, par une compensation de ses efforts et/ou une augmentation de ses capacités motrices. Pour cela, il existe plusieurs solutions. Les exosquelettes passifs utilisent le principe de la restitution de l'énergie mécanique grâce à des systèmes élastiques ou à ressort. Cette catégorie d'exosquelette est également appelée dispositif d'assistance physique. Les exosquelettes actifs sont quant à eux motorisés. L'équipement doit donc comprendre une source d'énergie, en l'occurrence des batteries.

 

Article paru dans Viti Leaders de mars 2022

L'autoguidage bientôt incontournable dans les vignes
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