Durant la digestion, les vaches émettent du méthane par fermentation entérique : ce sont principalement les éructions buccales (95%) qui sont responsables de l’échappement de ce gaz, et non les flatulences ne représentant que 5%. D’où l’idée d’orienter plus favorablement ces processus fermentaires par la composition de la ration et/ou l’adjonction d’additifs.
Les scientifiques évaluent à 50% le potentiel total de réduction des émissions de méthane entérique, dont 10 à 15% par la ration, et 30% par des additifs alimentaires (soit à peu près autant que les réductions par le biais de la sélection et la conduite du troupeau).
Toutefois, comme l’a rappelé Marie-Pierre Jacqueroud, de l’Institut de l’élevage, lors d’un webinaire consacré aux leviers d’atténuation des impacts environnementaux de l’élevage laitier: « Le méthane n’est qu’un des trois principaux gaz à effet de serre, et si des leviers efficaces existent pour réduire les émissions de méthane des bovins, l’environnement ne se résume pas aux gaz à effet de serre. Il faut intégrer la réflexion sur les impacts de l’élevage sur l’environnement dans une stratégie globale. »
Des algues dans la ration
Le projet Meth’algues, conduit par l’Idele en partenariat avec l’Inrae sur la ferme expérimentale des Trinottières jusqu’en 2023, explore une piste prometteuse: celle des algues marines. Un panel d’algues préalablement identifiées par des essais in vitro est testé sous différentes formes (déshydratées, congelées ou sous forme d’extraits), à hauteur de 1 à 3% de la MS ingérée, dans un essai en conditions contrôlées pour mesurer l’impact sur les rejets de méthane.
« Le potentiel de réduction est élevé, supérieur à 40%, sans effet direct ni sur la santé animale ni sur la santé humaine », détaille Raphaël Boré, de l’Idele.
Là encore, la question se pose, en arrière-plan, du bilan carbone d’une filière qui reste encore à créer. Et des éventuels impacts négatifs sur la couche d’ozone du bromoforme éructé par les vaches supplémentées aux algues marines.
Les atouts agronomiques du lin
Les vertus des graines de lin extrudées pour réduire les émissions de méthane sont bien documentées depuis une dizaine d’années: incorporées dans la ration, elles en améliorent la digestibilité, en orientant favorablement les fermentations bactériennes et les voies métaboliques ruminales. Le lin peut se conduire en culture d’hiver ou en culture de printemps, il est peu gourmand en azote, assez résistant aux maladies et son système racinaire améliore la structure du sol, ce qui en fait une excellente tête de rotation. Il permet d’allonger la rotation et de la diversifier en matière de familles botaniques, de résoudre certaines difficultés de désherbage du colza (géranium, crucifères, ombellifères), un véritable atout dans le contexte actuel de réduction des indices de fréquence de traitement des cultures. De récents travaux de recherche conduits entre autres par la chercheuse de l’Inrae Milka Popova devraient permettre de mieux comprendre le fonctionnement du microbiote ruminal et les effets d’une supplémentation avec du lin et des nitrates. « Le lin réduit la production d’hydrogène et le nitrate dévie l’utilisation d’hydrogène. Quand on associe les deux, on observe un effet cumulatif à la fois sur le dihydrogène et sur le méthane. Plus intéressant, cet effet cumulé – de l’ordre de -30% – est persistant sur quatre mois. »
