[Biosécurité] Besnoitiose : 70 000 € de pertes pour un éleveur de Haute-Loire

La besnoitiose provoque un épaississement de la peau, des dépilations diffuses et des crevasses aux articulations. Photo : Jean-Pierre Alzieu
Un cas de temps en temps, puis une explosion exponentielle. C’est le schéma qui se dessine pour la besnoitiose, une maladie incurable dont on ne peut se débarrasser qu’en faisant partir les animaux touchés. Au Gaec Quayrel-Sabatier, en Haute Loire, elles ont été 110 à connaître ce sort et il aura fallu cinq ans pour que le troupeau soit de nouveau indemne.

La besnoitiose est une maladie parasitaire transmise par des insectes piqueurs, mouches ou taons. La réutilisation d’une même aiguille sur plusieurs animaux peut également favoriser la transmission.

« Dans le cas d’un insecte piqueur, il faut que ce dernier soit chassé par l’animal pendant son repas de sang, et continue ce repas sur un autre animal, précise Olivier Pelletrat, le vétérinaire du Gaec Quayrel-Sabatier, en Haute-Loire. Quand il est dans un troupeau, un insecte se déplace sur moins de 50 mètres. Ainsi, au début de la présence de la maladie dans un cheptel, les contaminations sont lentes, mais au bout d’un moment, le développement est exponentiel. »

C’est ce qui est arrivé au Gaec Quayrel-Sabatier, en Haute-Loire, où Alexandre Sabatier et son associé élèvent des vaches laitières tarines. Après quelques cas sporadiques au milieu des années 2010, leur nombre flambe en 2017, et la production laitière chute.

Les vaches atteintes déclarent de fortes fièvres, « difficiles à soigner », ajoute le vétérinaire, et certains cas sont plus graves, avec des œdèmes ou encore la peau qui cartonne, se transforme en « peau d’éléphant », caractéristique de la besnoitiose. Les cas les plus graves peuvent aller jusqu’à la mort, et la besnoitiose est incurable : un animal porteur le sera toujours, même s’il ne déclare pas de symptômes.

La moitié des vaches positives

Les associés du Gaec décident donc, après avoir échangé avec leur vétérinaire et le GDS de la Haute-Loire, de s’engager dans un plan besnoitiose. Il s’agit d’identifier les animaux atteints, même asymptomatiques, par des prises de sang, et de les faire partir, dans un délai de cinq ans. Le GDS, lui, participe aux frais à hauteur de 100 € par bête réformée. Lors de la première prise de sang, plus de la moitié des 120 vaches laitières sont positives.

« C’est un problème qu’on rencontre fréquemment avec cette maladie. Elle reste latente plusieurs années, et lorsqu’elle se déclare, on se rend souvent compte que 50 % du troupeau est porteur »,
explique Olivier Pelletrat. Heureusement, les génisses, élevées séparément, sont indemnes. Les éleveurs peuvent donc envisager un futur pour leur troupeau, en gardant toutes leurs génisses.

Ils continuent les prises de sang, tous les six mois et même tous les deux mois, et ce pendant quatre ans. « Cela représentait 200 prises de sang à chaque fois », précise le vétérinaire. À chaque prise de sang, les éleveurs font partir des vaches, mais de nouvelles vaches positives continuent d’être identifiées. « Parfois, les vaches ne ressortent pas encore positives à la prise de sang, mais sont déjà atteintes », indique Olivier Pelletrat.

70 000 € de pertes

Au total, les éleveurs ont fait partir 110 vaches et dépensé 20 000 €, rien que pour la gestion de la maladie : 5 000 euros en prises de sang, la même somme en analyses et 10 000 € en produits vétérinaires. À cela s’ajoutent les coûts indirects de la maladie : baisse de la production laitière, manque à gagner sur la vente des réformes, mais surtout des génisses, car les éleveurs étaient très investis dans la sélection et vendaient des reproductrices. Au total, « l’année où ils ont fait partir le plus d’animaux, Alexandre Sabatier estimait une perte économique de 70 000 € », indique Olivier Pelletrat.

Les éleveurs ont également dû abandonner les concours pendant plusieurs années, alors qu’ils y consacraient auparavant beaucoup de temps, et y remportaient des prix. En 2022, ils retournaient pour la première année au Sommet de l’élevage. En effet, bien que le troupeau était déjà indemne en 2021, le Salon n’imposait pas ecore le dépistage de la besnoitiose, et Alexandre Sabatier n’a pas voulu prendre le risque de réintroduire la maladie dans son troupeau, après tant d’efforts pour l’éradiquer. Il milite d’ailleurs depuis plusieurs années pour imposer ce dépistage dans tous les concours, aux niveaux départemental comme national.

Une stratégie départementale pour éradiquer la maladie

Afin de juguler les maladies qui s’achètent, le GDS de la Haute-Loire a rendu obligatoire fin 2021 le « kit intro ». Il s’agit de tester six maladies (IBR, BVD, brucellose, besnoitiose, paratuberculose et néosporose) sur les bovins achetés de plus de six mois. « Il y a beaucoup d’achats dans le département, il est donc important de contrôler l’état sanitaire des animaux entrant dans les troupeaux. En effet, comme en témoigne le cas d’Alexandre Sabatier, l’impact de ces maladies peut être très négatif, insiste Olivier Pelletrat. Et si dans ce cas cela n’a heureusement pas été le cas, les maladies peuvent également se transmettre aux éleveurs voisins. Il ne faut pas les négliger. »

En plus du kit intro, le GDS de Haute-Loire a intégré la recherche de la besnoitiose dans la campagne de prophylaxie, en allaitant comme en laitier. « Il s’agit d’identifier les élevages touchés et de les engager dans un plan d’éradication. Très peu d’éleveurs refusent, ils savent que c’est dans l’intérêt de tous. Toutefois, les laitiers sont un peu plus réceptifs. Il faut dire que les vaches laitières déclarent en général plus la maladie que les allaitantes, qui ont moins de signes cliniques. La maladie peut toutefois rendre les taureaux stériles, et lorsque les vaches reviennent vides, l’impact n’est pas négligeable », estime le vétérinaire.

Il faudra encore quatre ou cinq ans pour pouvoir dresser un bilan de cette stratégie de lutte contre la besnoitiose. « Pour l’instant, nous décelons de nombreux animaux positifs. Nous sommes assez inquiets, et nous espérons que nous ne nous y sommes pas pris trop tard », confie Olivier Pelletrat.

Cet article du numéro de janvier du magazine Cultivar élevage vous est offert. Pour vous abonner, cliquez ici.

Santé - Alimentation

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15