Cap du Futur: l’agronomie au service de la lutte contre les graminées

delphine_bouttet_responsable_de_la_ferme_experimentale_de_boigneville. Crédit: DR.jpg
La présence de graminées résistantes aux herbicides peut conduire à des situations, à première vue, inextricables. Durant six ans, la ferme expérimentale Arvalis de Boigneville s’est employée à modifier ses pratiques culturales. L’utilisation de leviers agronomiques associés à des pratiques de désherbage mécanique et chimique montrent des résultats encourageants.

 

"Les meilleurs herbicides ne peuvent sauver une situation désespérée. C’est pourquoi, nous devons envisager d’autres méthodes et nous tourner vers l’agronomie, constate Delphine Bouttet, responsable de la ferme expérimentale de Boigneville (91). Pour autant, l’idée n’est pas d’opposer lutte chimique et leviers agronomiques, ces deux stratégies sont complémentaires."

Depuis plusieurs années, les phénomènes de résistance aux herbicides de certaines graminées ont promu le contrôle de ces adventices au rang de problématique majeure.

Les restrictions d’usage de certains produits et la diminution du nombre de molécules autorisées en grandes cultures accentuent la difficulté. Aujourd’hui, des stratégies basées uniquement sur des interventions chimiques peuvent mener à des impasses techniques.

La rentabilité du système en première ligne

Pour trouver des solutions, la station d’expérimentation de l’Essonne a mené, pendant six années, un programme d’évaluation des stratégies combinatoires de gestion des ray-grass résistants aux herbicides.

"Les essais ont débuté en 2017. Ils sont conduits à l’échelle du système avec une double préoccupation: maintenir la rentabilité du système et gérer efficacement les adventices", précise Delphine Bouttet.  

Avant la mise en place des essais, un état initial des parcelles a mis en évidence des zones d’infestations de ray-grass allant parfois jusqu’à 300 individus/m². Pour maîtriser ces populations, des leviers préventifs ont été actionnés. Objectif : perturber le cycle des graminées incriminées.

Associer les leviers agronomiques pour endiguer la concurrence

Le fait de décaler les semis compte parmi les leviers les plus puissants à disposition lorsque les conditions pédoclimatiques le permettent.

En effet, pour chaque espèce d’adventices, il existe des pics de germination. Si ces pics coïncident avec des dates de semis, on se heurte à un phénomène de concurrence précoce.

"Nous avons repoussé d’une quinzaine de jours la date des semis de certaines cultures. Ainsi, nous pouvons détruire les adventices plus facilement en amont de la culture. Cette pratique diminue le stock grainier présent dans le sol, ainsi que la densité des adventices dans les cultures", affirme Delphine Bouttet.

La rentabilité économique au cœur des préoccupations

ferme_bg. Crédit:DR.jpg
Toujours dans l’idée de perturber le cycle de cette graminée, la succession des cultures, elle aussi, a été modifiée.

"Notre rotation prend en compte les aspects agronomiques, mais aussi les impératifs économiques du système. Nous sommes tenus de produire en fonction des débouchés du territoire", rappelle Delphine Bouttet.

Cette rotation est établie sur sept ans et s’appuie sur une alternance des cultures d’hiver et d’été: tournesol, blé améliorant, blé tendre, maïs, maïs, orge de printemps et blé tendre.

Dans le cadre de l’expérimentation, un labour est pratiqué entre les deux cultures de maïs et avant celle du tournesol. Cet enfouissement pratiqué tous les trois ans contribue à diminuer le stock grainier du ray-grass.

D’autres pratiques comme le broyage des bordures en cas d’infestation et la gestion des menues pailles limitent aussi la présence du ray-grass.

Les graminées résistantes valorisent l’azote du système

Pour Delphine Bouttet, ces leviers agronomiques doivent être considérés comme des solutions préventives contrairement au désherbage qui, lui, est un moyen de lutte curatif: "Le désherbage mécanique ne fonctionne pas seul dans notre système. Nous avons évalué son efficacité à environ 50% dans d’autres essais conduits sur la ferme. De plus, pour certaines cultures à écartement faible, la difficulté est accentuée."

En agriculture biologique, le désherbage mécanique est probant, car il n’y pas d’azote dans le système et de nombreux leviers préventifs sont utilisés comme la mise en place d’une luzerne sur deux à trois ans.

En revanche, dans un système conventionnel, les graminées comme le ray-grass et le vulpin valorisent très bien l’azote, ce qui les rend beaucoup plus concurrentielles.

Pour cette raison, le désherbage mécanique est associé à l’utilisation localisée d’herbicides. "Comme des incertitudes pèsent sur le futur du glyphosate, nous l’avons exclu du programme", ajoute la responsable de la ferme expérimentale de Boigneville.

Des résultats économiques et techniques satisfaisants

L’approche prophylactique globale mise en œuvre durant ces six années a réduit les IFT de façon significative. De plus, les notes de satisfaction de désherbage montrent un contrôle efficace des adventices en cours de culture.

Aussi, certaines zones historiquement infestées par des populations de ray-grass résistants ont disparu, alors que d’autres ont été maîtrisées partiellement.  

Au niveau économique, les rendements satisfaisants et la qualité des céréales produites assurent la pérennité et la rentabilité du système.

Vulpin et ray-grass : une épreuve d’endurance

Les leviers agronomiques sont des petites briques sur lesquelles s’appuyer. Ces mesures doivent être combinées et testées. D’après Delphine Bouttet, il n’y a pas de solution 100% efficace. De plus, Il est important de garder à l’esprit que l’utilisation de leviers peut réussir dans une parcelle et échouer dans une autre.

En effet, des facteurs liés à l’historique de la parcelle, tel le potentiel grainier du sol, influencent les résultats obtenus.

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