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Fertilisation des prairies

Prendre en compte toutes les fournitures d’azote possibles

« 25 % de trèfles blancs peuvent faire économiser jusqu’à 100 unités d’azote par hectare », indique Anthony Uittjewaal, ingénieur fourrages chez Arvalis. ©  Larygin Andrii/Adobe Stock

L’azote est le moteur de la prairie, mais son prix a flambé ces derniers temps. Alors, peut-on se passer d’engrais minéral ? Avant d’en arriver là, il convient de faire l’inventaire des unités fournies par ailleurs.

Dans un contexte de prix de l’azote élevé, tel que nous le connaissons actuellement, et après une campagne favorable aux stocks de foin et d’ensilage, une question peut se poser : est-il judicieux de faire l’impasse sur la fertilisation minérale des prairies ? « Avant de répondre à cette question, il faut évaluer les besoins réels en azote minéral, indique Didier Deleau, ingénieur régional fourrages chez Arvalis. On peut se référer à la méthode du bilan pour les évaluer. » Le rendement attendu donnera les besoins en azote total de la prairie, entre 15 et 30kg d’azote par tonne de matière sèche, selon le mode et la date d’exploitation : pâture, fauche tardive ou précoce. À ces besoins on pourra retrancher la fourniture d’azote par le sol. « En effet, l’azote organique du sol est capable de se minéraliser. En fonction du type de sol, cela peut représenter entre 60 et 160 unités d’azote par hectare et par an », explique Didier Deleau. L’azote apporté par les légumineuses présentes dans la prairie, les restitutions au pâturage ou encore les engrais de ferme viendront compléter le bilan. La part restante, entre besoins et fournitures, représentera les besoins en fumure minérale. « Ainsi, dans un contexte de prix élevé de l’azote, on peut déjà se demander si les engrais de ferme sont bien valorisés, et s’ils peuvent combler les besoins de la prairie en azote », estime l'ingénieur. Pour évaluer ce dernier point, il faudra prendre en compte le type d’engrais de ferme.

50 à 70 % d’azote disponible dans les lisiers et digestats

En effet, les fumiers et composts sont riches en azote organique stable faiblement disponible pour les plantes la première année. « Avec ce type d’engrais, il est difficile d’avoir assez d’azote pour assurer un rendement satisfaisant », détaille Didier Deleau. Et il ne faut pas non plus compter sur l’azote qui pourrait être utilisable la deuxième année, car « s'il est vrai qu’il existe des arrière-effets, ils ne sont pas très prononcés. En outre, l’année 2021 a été caractérisée par une bonne pousse de l’herbe, les reliquats seront donc assez faibles. Ce n’est pas ce qui va remplacer l’azote apporté par fumure minérale ». En revanche, 50 à 70% de l’azote contenu dans les lisiers et digestats de méthanisation sont disponibles dès l’apport, « ils pourront prendre la place de tout ou partie de la fumure minérale. Dans tous les cas, il est judicieux de bien connaître son produit, d’analyser ses engrais de ferme et de les épandre en conditions optimales pour limiter les pertes d’azote par lixivation et volatilisation ». Autre élément à prendre en compte dans le bilan : la part de légumineuses dans la prairie : « 25% de trèfles blancs peuvent faire économiser jusqu’à 100 unités d’azote par hectare », indique Anthony Uittjewaal, ingénieur fourrages chez Arvalis.

Ne pas fertiliser la première année

Et pour leur assurer une bonne implantation, la fertilisation azotée, ou plutôt son absence, a aussi un rôle à jouer. En effet, Didier Deleau conseille de ne pas apporter d’azote minéral l’année de l’implantation de la prairie multi-espèces : « La fertilisation azotée va favoriser les graminées, aux dépens des légumineuses. Dans nos essais, en fertilisant la première année, on n’obtient pas un excédent de rendement significatif, en revanche, l’impact négatif sur les légumineuses est véritable dès que cet apport dépasse 60 unités (2x30). En deuxième année, la fertilisation n’a pas d’incidence sur les légumineuses et le taux de MAT. En revanche, les prairies fertilisées présentent un meilleur rendement. » Apporter de l’azote seulement à partir de la deuxième année aurait alors plusieurs avantages : s’affranchir d’un apport, soit une économie de trésorerie, surtout dans un contexte de prix élevé, mais aussi et peut-être surtout assurer une bonne implantation des légumineuses. Ainsi, en plus d’une économie d’azote pour les années suivantes, on obtiendra un fourrage plus riche en protéines, avec potentiellement, à la clé, une réduction des besoins en correcteurs azotés dans la ration.

Alors, une fois les besoins de la prairie et les fournitures d’azote hors engrais minéral passer au crible, peut-on faire l’impasse cette année ? « Si le bilan réalisé montre des besoins en azote, je ne conseillerai pas de faire l’impasse d’engrais minéral, même dans un contexte de prix élevé. Il faut se rappeler que l’azote est le moteur de la prairie, et que, même si l’azote est cher, le rachat de fourrages en cas de mauvaise année peut s’avérer encore plus coûteux. Le jeu ne me semble pas en valoir la chandelle. De plus, des essais ont montré que l’azote dope le rendement, et noie ainsi le coût de la récolte, qui reste plus ou moins le même qu’on fane peu ou beaucoup de matière. Pour moi, la fertilisation azotée reste intéressante, même dans un contexte de prix élevé », conclut Didier Deleau.

Retrouver l’intégralité de l’article dans le numéro de janvier de Cultivar élevage

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